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الثلاثاء، 1 يونيو 2010

Le réformisme chiite au Liban

Saoud El Mawla
Sociologue, professeur à l’Université libanaise de Beyrouth


Au Liban, le réformisme chiite est incarné par les imams Moussa Sadr et Mohammad Mahdi Shamseddine attachés au nécessaire renouvellement de la question de la place de la religion dans l’équation politique libanaise.

Historiquement le réformisme chiite a toujours oscillé entre réforme religieuse, c'est-à-dire la « purification » de la religion de tout ce qui ne relève pas de son vrai visage et contenu, et réforme politique — que faire dans l'attente du retour de l'Imam Mahdi ? Quelle participation à la vie publique et politique adopter? Les imams libanais Moussa Sadr et Mohammad Mahdi Shamseddine étaient des représentants de ce courant réformiste politique.


Quelle direction spirituelle et politique de la communauté chiite ?

Chez les chiites, la question de l’imamat, c’est-à-dire du gouvernement de la communauté (oumma) relève de la doctrine. Ce n’est pas une question de jurisprudence (fiqh), mais de théologie (kalam). Les chiites duodécimains (cf. repères p.) croient qu’il existe douze imams qui sont infaillibles à l’instar du Prophète Mahomet et de sa fille Fatima. Sans ces quatorze infaillibles, il n’y a pas, selon la doctrine chiite, de religion.

Avec l’occultation en 941 du douzième imam, Mohammad Ibn al-Hasan al-Mahdi, débuta une période de confusion chez les chiites, qui croyaient qu’il y aurait toujours un imam. Durant cette période de perdition dite de la première (ou petite) occultation (ghayba soughra), quatre vices-imams servirent de référence aux chiites. C’est à eux que les chiites payaient le khoms, un impôt en fonction de sa richesse (1), et par leur biais qu’ils pouvaient adresser des lettres à l’imam Mahdi de qui ils recevaient aussi des commandements. Cette pratique a contribué à l’instauration du marja'o taqlid, c'est-à-dire d’une autorité de référence et d’imitation dans les domaines religieux et quotidiens, et de la fonction du khoms. Cette autorité (marjiyya) a été définitivement instituée, après la grande occultation (ghayba kobra), à savoir au moment où il était acquis que l’Imam Mahdi était irrémédiablement occulté et qu’il ne reviendrait qu'à la fin des temps.

En s’appuyant sur l’interprétation de paroles (hadiths) attribués à l’Imam Mahdi lui-même et au sixième imam (Jaafar al-Sadeq), qui soulignent que les chiites doivent se référer dans leurs affaires aux oulémas (savants religieux), est née l’idée que le marja doit être le plus savant, le plus juste et le plus pieux des dignitaires religieux de son temps. Ceci a établi une séparation nette entre l’État et la religion. L’État usurpateur, injuste, illégitime, car ne relevant pas de l’imam (occulté maintenant) ne pouvait pas être un état islamique.

Pendant la période durant laquelle les chiites attendaient le «Mahdi» (2) est né le concept de la taqiyya, qu’on interprète aujourd’hui comme le fait de cacher ses convictions ou les dissimuler. Or beaucoup ont mal interprété ce concept. Selon l’imam Mohammad Mahdi Shamseddine ce terme dérivé du mot taqwa (piété) sous-tend la crainte de Dieu. Pour l’Imam Shamseddine comme pour de nombreux oulémas, qui étayent leur thèse de hadiths des douze imams, la taqiyya signifie faire partie de la société, s’intégrer totalement dans la vie politique et sociale de la nation — seuls les aspects ésotériques ne devant pas être révélés publiquement. En revanche, pour d’autres oulémas, elle signifie dissimuler, cacher ses convictions, pour qu’à un moment donné, lorsqu’on est fort, on puisse renverser la situation.

Pour les chiites, tout gouvernement étant un gouvernement usurpateur, injuste, à l’exception de celui de l’imam al-Mahdi, qui lui seul peut annoncer le djihad et instaurer le gouvernement de la justice divine, on doit d’ici là pratiquer la taqiyya, c’est-à-dire qu’on ne doit pas travailler pour instaurer un gouvernement islamique, mais pour réformer les gouvernements existants. Cette position a été reprise par les foqahah(3), les oulémas et les marja’as réformateurs. Cela ne signifiait pas pour autant qu’il ne fallait pas participer à la vie politique, à des mouvements de contestation ou en faveur de la réforme ou du changement social et politique ou encore à des révolutions. Beaucoup d’indications tendent à confirmer que la taqiyya ne signifiait pas se désintéresser totalement de la chose publique, car « l’existence d’un État, ou d’un gouvernement, même injuste et usurpateur, est une nécessité pour la société et la vie », même si seul le Mahdi peut former un gouvernement islamique car « il est infaillible et les humains ne peuvent pas accomplir la justice divine » (4).


Les premiers débats sur la wilayat al-faqih

C’est durant la période de l’occultation de l’Imam Mahdi, que l’on a commencé à discuter des pouvoirs du faqih, c'est-à-dire du juristconsulte religieux qui guide la communauté chiite. Le débat a porté alors sur le fait de savoir quels devraient être ses pouvoirs souverains autonomes (wilayas). De fait, pendant la période de l’occultation, même le « khoms » et la prière du vendredi, sont en principe interdits, car ils doivent uniquement être réalisés sous l’autorité de l’imam al Mahdi, lui seul étant infaillible et héraut de la justice divine. Mais les théologiens musulmans ont considéré que le faqih pouvait recevoir le « khoms », même si pendant des générations, ils le conservaient et le cachaient en attendant le retour du Mahdi, car cet argent devait lui être remis. Concernant l’interdiction de la prière du vendredi, quelques foqahah ont affirmé que les chiites pouvaient la faire dans certains cas. Par conséquent, le faqih n’a pas en principe autorité instaurer par la force le bien et interdire le mal, proclamer le djihad, préparer une guerre ou imposer des lois, en somme, tout ce qui relève du domaine des pouvoirs souverains de l'État.

Toutes les discussions sur la wilayat al-faqih datent de la période séfévide, du XVIe jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, date de l’avènement de l’empire Kadjarite. Pourtant, un seul faqih, Ahmed Mahdi Naraqi (XIXème siècle) a élargi son pouvoir, en affirmant qu’un faqih peut instaurer un gouvernement islamique et que ses pouvoirs peuvent être absolus (5).


Dans la tourmente de la wilayat al-faqih

En 1979 est publié en arabe à Beyrouth Al-houkouma al-islamiya (Le gouvernement islamique) ou wilayat el-faqih, un recueil des cours que Khomeiny avait donnés à Nadjaf durant son exil de 1964 à 1979. La conception de wilayat al-faqih nécessitait une politique révolutionnaire de prise de pouvoir par la force en vue d’instaurer un gouverneur absolu du faqih, qui détient tous les pouvoirs de l’État (législatif, exécutif et judiciaire). Il peut déclarer le djihad, user du monopole légitime étatique de la violence. Tous les pouvoirs qui étaient du ressort de l’imam occulté, infaillible, reviennent par conséquent au dirigeant des affaires des croyants (Wali-Amr). Pour comprendre le triomphe de cette idée qui était marginale au sein du chiisme officiel, il faut prendre en considération deux faits : d’une part l’importance et l’influence des idées sunnites du pakistanais Mawdoudi (1903-1979) et de l’égyptien Sayyid Qutb (1906-1966) le fondateur des Frères musulmans ; et d’autre part la révolte populaire en Iran, puis la chute du régime du shah.

Tous les foqahah musulmans chiites contemporains à Khomeiny, notamment Mohsen Al-Hakim, al-Khoï, Sistani, Moussa Sadr (voir l’article d’Hosham Dawod dans ce dossier), Mohammad Mahdi Shamseddine, étaient contre la wilayat al-faqih et ont introduit la notion de wilayat el-oumma. Cette conception stipule que dans l’attente du retour du Mahdi, le pouvoir devrait revenir au peuple, à la nation, par le biais d’élections démocratiques. Ce qui signifie que l’on mandate celui qui est choisi par les électeurs, alors que dans la wilayat al-faqih, le mandat revient au faqih directement de l’imam Mahdi.


Les chiites Libanais

Au Liban, les imams Moussa Sadr (1929-1978) et Mohammad Mahdi Shamseddine (1936-2001) favorisent à cette époque une politique démocratique, se basant sur le fait qu’il faut œuvrer à bâtir la société chiite, à intégrer les chiites dans leur pays respectif, sous le principe de justice. Ils s’attachent à l'idée de la nécessité du renouvellement de la "formule" libanaise, celle-ci devant se baser sur : le dialogue, un compromis renouvelé par un bloc historique nouveau et novateur; l'équilibre politique dans la justice et la dignité de tous et pour tous; la création du courant historique de l'entente et du dialogue; et enfin la vraie relation d'équilibre entre État et société, et entre État et communautés religieuses.

La proclamation du Conseil islamique chiite concernant le règlement historique du conflit libanais (1977), ainsi que la proclamation des « dix constantes historiques des Musulmans libanais » (6), furent le fruit de la pensée et de l'action de ces deux grands imams. Leur vision politique se résume dans les termes simples suivants : le Liban est la patrie définitive de tous les libanais ce qui implique la reconnaissance de l'entité, de l'indépendance et de la souveraineté du Liban dans ses frontières reconnues. La vie commune est une richesse sur le plan de la civilisation humaine, et le dialogue ininterrompu entre les Libanais est un dialogue pour la vie et pour le devenir. L'islamité des Musulmans libanais n'est pas complète sans la présence des Chrétiens, comme la chrétienté des Chrétiens libanais n'est pas complète sans la présence des Musulmans.


Moussa Sadr et la notion de l'État Croyant au Liban

Entre les années 1959, date de son retour au Liban, et 1978, date de son « enlèvement » en Libye, l’imam Moussa Sadr a mené une action sociopolitique pour organiser la communauté chiite et lui établir sa place au sein du système politique libanais. Mouusa Sadr a aidé les chiites à se libérer et ce, en promouvant un mouvement social qui visait à l'amélioration de leurs conditions de vie (santé et éducation surtout) et à leur participation totale aux affaires de gouvernement du pays. Il a aidé les chiites à poser un nouveau regard sur eux-mêmes et sur les autres composantes de la société libanaise, dégagés de toute méfiance, ouverts au dialogue et l'interaction avec l'autre. Moussa Sadr appliquait dans ce sens une tâche de « la théologie politique qui responsabilise sur un double plan : celui de la foi personnelle et celui de l'engagement politique dans l'espace citoyen commun à tous » (7). Moussa Sadr voulait affermir le sentiment religieux chiite, en tant que quête permanente de justice, tout en le plaçant dans le cadre d'une participation à la construction de l'État libanais et au respect de ses institutions et des pratiques démocratiques. En créant le Conseil chiite supérieur, en participant lui-même aux dialogues islamo-chretiens, et en coopérant avec le grand Mufti sunnite, Moussa Sadr voulait donner aux Chiites une place dans la vie publique et politique, tout en favorisant l’émergence d’une nouvelle classe chiite intellectuelle. Cet engagement politique nécessaire du chiisme selon Sadr est souligné dans plusieurs témoignages. Dans un article célèbre le journaliste et politique chrétien, Ghassan Tueini écrivait :

« La révolte des chiites est une révolte communautaire au nom de toutes les communautés du Liban et pour elles toutes. Cette révolte dépasse le cadre politicien traditionnel pour adresser ce qui est social et économique..., c'est-à-dire la question du dénuement et de la marginalisation sociales et de l'injustice» (8).

Le député chiite des années 1972-1992 Mahmoud Ammar dit : « l'Imam Sadr était très attentif à la sauvegarde de l'entité libanaise.Il ne voulait pas que son mouvement soit parti dans la déstabilisation de l'entité et de l'État, mais qu'il soit source de renforcement du rôle des chiites dans la vie sociopolitique libanaise, par le biais de l'action sociale et politique démocratique ». (9)

Sadr a promu l'idée de « L'État croyant » dans laquelle il voyait une alternative au repli des communautés sur elles-mêmes et une voie à leur intégration dans le projet politique national fondé lui-même sur les valeurs religieuses de ces communautés. L'imam a développé brièvement ce thème dans une interview avec la revue hebdomadaire Koul Chay' (14/2/1976) où il décrit cet État croyant comme étant "un État ou les institutions, les lois ainsi que les relations entre les individus et avec l'état, ainsi que les relations avec les autres états seraient fondées sur la foi en Dieu et ce qui l'accompagne, c'est-à-dire l'engagement dans le monde des valeurs ». Sadr refusait à la fois le confessionnalisme et la laïcisation, car toutes deux incompatibles avec la nature du Liban et de son peuple formé de "croyants", chrétiens et musulmans qui sont la majorité écrasante des Libanais, et qui sont attachés à la foi et aux valeurs de leur religion respective. Cet attachement religieux ne diminue pas l'attachement à l'État. Bien au contraire, il augmente le sentiment patriotique parce que les Libanais se sentiraient davantage frères dans le cadre d'un État qui adopte l'espace commun de leur foi et promeut leurs valeurs. (10).


Le concept de l'État séculier selon Mohammad Mahdi Shamseddine

Après la disparition de Moussa Sadr, la première tâche entreprise par Mohammad Mahdi Shamseddine consistait en un travail de valorisation chiite et de justification théologique islamique des idées de démocratie, de gouvernement civil, et de citoyenneté, ainsi qu’une théorisation des relations ambiguës et complexes entre les différentes identités constituantes de la personnalité nationale. Shamseddine a commencé par s’attaquer aux mythes fondateurs du nationalisme arabe et du fondamentalisme islamique qu’il décrivait comme étant des « fantasmes ultra nationaux qui caractérisaient le mouvement politique arabe en général et libanais en particulier, et qui créaient des barrières insurmontables entre différentes appartenances ethnico-culturo-cultuelles d’une part, et la formation d’une identité nationale d’autre part ».

Pour Shamseddine, la Oumma (arabe, islamique, syrienne, égyptienne, etc...) n’est qu’une abstraction conceptuelle, une conceptualisation qui n'a aucun fondement dans le fiqh et aucune pertinence scientifique. Car toute Oumma est en réalité une création historique soumise aux contextes socioculturels et sociopolitiques et économiques, qui ont contribué à des divisions et contradictions qui relèvent des intérêts réels des forces sociales. D'autre part, l’islam n'a jamais prôné ou cultivé l'idée d'un État-nation centralisé ou d’un État qui soit la concrétisation d'une idée absolue (Hegel), et encore moins d’un État dictatorial quelconque. La notion d'un gouvernement islamique transnational ou international est une fausse notion, qui n'a aucun fondement dans le fiqh, ni dans l'expérience historique du gouvernement des quatre premiers califes, les « bien guidés » (Rachidoun). Le gouvernement du Prophète lui-même variait entre un gouvernement fédéral et un gouvernement confédéral. La communauté musulmane se trouve en réalité sujette à des entités, des divisions, et des systèmes d'intérêts différents, voire contradictoires. Ces divisions se trouvent mêmes légitimées tant qu’un système d'intérêt d'une entité ne s'affronte pas avec le système d'intérêt d'une autre entité.

Shamseddine a insisté sur l'idée qu’il faut que les musulmans produisent leurs propres modèles de laïcité, modernité et démocratie qu’il avait dénommée la wilayat (gouvernance) de la Oumma sur elle-même. Il a appelé à apprendre de l’Occident tout ce qui est utile, car le Coran nous enseigne qu’il faut écouter tous les discours et chercher le savoir partout, et la démocratie est une expérience occidentale à prendre en compte.

Shamseddine disait que les laïcs avaient raison d’avoir peur du discours et de la pratique des islamistes, dans la mesure où le modèle d’État et de gouvernement qu’ils prônent est une reproduction de l’État islamique despotique du Moyen Âge, c'est-à-dire l’État totalitaire dans notre langage moderne.

État, Société, et laïcité, selon Shamseddine…
Les musulmans ont beaucoup souffert durant ce XXe siècle des tentatives arrogantes et persistantes qui visaient à imiter la laïcité occidentale, en particulier dans sa version radicale française. La vision laïque européenne se basait sur l'idée que la modernité instaure une coupure totale entre sacré (religion) et profane (société). Mais la réalité est que l'Occident n'a jamais opéré cette coupure ou séparation; il a plutôt remplacé une religion (le christianisme) par une autre (la modernité incarnée par le rationalisme étatique). Le concept de coupure a donc été équivoque et ambiguë, ce qui a amené à dépourvoir l'individu de la présence d'une valeur-référence face à l'État érigé en pouvoir total indépendant et absolu. En Occident les moyens utilisés par l'État sont une fin en soi, sans aucun rapport avec les finalités de la société, et la valeur de tout État se mesure par l'efficacité de ses moyens et la productivité de ses actions. L'État s'est donc transformé en une valeur référentielle normative.
Mohammad Mahdi Shamseddine a également élaboré dans ses derniers écrits une définition des rapports citoyens entre les musulmans et les autres communautés religieuses. Partant du principe que la présence des non-musulmans à côté des musulmans dans une seule entité nationale comporte une dimension nouvelle qui n'existait pas du temps de l'État islamique historique. En effet, le droit international a bien évolué depuis cette époque et les Musulmans sont partie prenante du processus du nouvel ordre mondial et de la formulation de nouvelles chartes et lois internationales auxquels ils ont adhéré. Le cadre juridique organisationnel et le cadre juridique politique en islam peuvent et doivent s'élargir pour faire place aux non Musulmans dans la société et l'État, en tant que citoyens libres et égaux. Ce qui est proposé ici, c'est l'invention d'une nouvelle formule juridique qui s'inspire de l'esprit de dialogue, de consensus et de vie commune.

Réconciliation et dialogue
La renaissance intellectuelle musulmane contemporaine nécessite la reconstruction de l'identité civilisationnelle, dans une considération réciproque de ce que cette renaissance signifie pour le monde extérieur et ce que le monde extérieur signifie pour elle. Ceci nécessite un effort théorique et pédagogique auquel les chrétiens arabes sont appelés à prendre part en précurseurs. D'un autre côté, la critique de la modernité, des dérives de l'occidentalisme et de son influence, nécessite un projet commun islamo-chrétien, pour mettre fin à l'imitation aliénatrice et pour renouveler le rôle des chrétiens et de la chrétienté arabe dans la renaissance des pays et de la civilisation musulmans. Faire une révision critique générale des concepts théologiques et législatifs et des idées et postulats, c'est là le vrai dialogue, et le véritable défi qui nécessite beaucoup de courage et d'imagination. C'est une aventure nécessaire pour une vraie réconciliation et une paix civile durable et fructueuse.






NOTES

(1) le cinquième de ce qui reste - après calcul des dépenses utiles- des profits annuels de la personne, et qui doit être versé à l’imam
(2) Elle était appelée la «période de l’attente» (Intizar).
(3) Pluriel de faqih, savant juriste musulman.
(4) Les chiites répètent ici les paroles de l’imam Ali qui répondait aux kharijites (dissidents parmi les partisans d’Ali, ils ont développé un islam rigoriste tourné vers la vie dans l’au-delà) lorsqu’ils brandirent leur slogan : «Pas de Gouvernement sinon celui de Dieu».
(5) Il se basait sur deux « hadiths » qui ne traduisent pas cette idée : un hadith de l’Imam Mahdi, lequel aurait transmis une lettre écrite disant que pendant son absence les chiites devaient s’en référer aux oulémas ; et un autre hadith de l’Imam al-Sadeq disant que « ceux parmi les chiites qui connaissent nos hadiths peuvent être les juges » (l'imam a utilisé le mot Hakam=juge, et non pas Hâkim=gouverneur).
(6) Proclamation officielle des chefs religieux et politiques des musulmans du Liban, rédigée et annoncée par l'imam Shamseddine dans une conférence de presse tenue à Dar al-Fatwa le 21 septembre 1983.
(7) Fadi Daou : « Théologie politique et diversité religieuse" in : Proche-Orient Chrétien, 57/1-2(2007), pp86-102.
(8) Le quotidien Annahar du 18/3/1974.
(9) Voir les propos de Ammar, dans: Fadi Toufic: la banlieue sud de Beyrouth, ses habitants et son parti, dar al-jadid, Beyrouth, 2005, pp96-97.
(10) Revue hebdomadaire Al-Hawadeth : 28/5/1976

Dialogue et compréhension mutuelle :

Dialogue et compréhension mutuelle :
Comment bâtir l’amitié Euro-Med ?
Dr. Saoud EL Mawla

Introduction:
L’information est du point de vue subjectif le plus courant le fait de savoir ce qui se passe, ce qui est au delà de nos sens et connaissances. La communication est le transfert d’informations d’une personne ou d’un groupe à une autre personne ou groupe, par des moyens (médias) qui ont une importance équivalente à celle des écoles et universités dans l’établissement de la société de connaissance.
Le sociologue canadien Marshall Mc Luhan affirmait en 1969 que les télécommunications allaient changer la face du monde et engendrer le progrès dans les pays non industrialisés, le monde ne ressemblant plus qu’à un « village global » (*). La même année le politologue américain Z. Brzezinski écrivait que le maillage de la planète par des réseaux informatiques était devenu une réalité qui marquerait les relations internationales (*). Depuis, quarante ans ont passé, et même si le monde ne ressemble en rien à la vision de Mc Luhan et Z. Brzezinski, force est de constater que les nouvelles technologies d’information et de communication ne sont pas sans incidence sur le plan international. Depuis le livre séminal de Martin Linsky (Impact: How the Press Affects Federal Policy Making, 1986) on a commencé à s’intéresser au rôle indispensable des médias dans le modelage du contexte social dans lequel sont élaborés les politiques (domestiques, mais aussi extérieures) car l’administration (et la formulation) des politiques est un processus « politique » affecté par divers facteurs socio-économiques (voir : Hofferbert, R.I., The Study of Public Policy, Indianapolis: Bobbs-Merrill, 1974). Les médias informent les citoyens, et leur font comprendre comment les politiques (domestiques ou extérieures) affectent leur vie. Les gouvernements apprennent aussi les réactions du public, et sont informés sur les effets de leurs politiques ainsi que sur les diverses opinions et oppositions. Les systèmes médiatiques jouent ainsi le rôle de tuyaux de communication entre ceux qui décident les politiques et ceux qui veulent influencer ces politiques. Les systèmes médiatiques contrôlent par là l’étendue et la portée du discours politique et régulent le flux d’information (Hofferbert, ibid.) (Voir aussi : Kingdon, J.W. : « Agendas, alternatives, and public policies ». New York : Harper Collins College Publishers, 1995). Dans une société libérale démocratique, les médias critiquent les affaires gouvernementales.C’est le 4ême pouvoir ; il tient les gouvernements responsables de leurs politiques en expliquant les choses au public. Mais le dérèglement systématique des systèmes médiatiques à l’échelle mondiale affaiblit le pouvoir ou la capabilité du public à la participation active dans les processus de discussion, de contrôle, et de décisions politiques. (Voir : Mc Chesney, R.W. : Thesis on media deregulation, in : media, culture and society; 2003, n : 25 (1), pp. 125-133). De plus la relaxation ultérieure dans les lois et règles de propriété et de contrôle a créée une nouvelle situation plus éloignée de la diversité de production et plus proche de la concentration de propriété entre les mains d’une poignée de conglomérats mondiaux (occidentale évidemment) (voir : Bagdikian, B.H. : The new media monopoly. Boston. Beacon press, 2004) (voir aussi: Mc Chesney, R.W.: Rich media, poor democracy: communication politics in dubious times, Urbana, University of Illinois Press, 1999). Mais le problème le plus important qui nous concerne ici est celui de la transformation des grands conglomérats médiatiques en acteurs politiques puissants. Leur soumission aux intérêts économiques et leurs liens avec l’économie mondiale (globalisation) limitent leur abilité à questionner l’ordre établi et à enquêter sur les agissements de leurs maîtres et à représenter toutes les opinions (voir: Barker, Michael: Manufacturing policies: The media’s role in the policy making process. Refereed paper presented to the Journalism Education Conference, Griffith University, 29 November-2 December 2005).
Quel rôle pour l’information dans un monde inégal ?
La problématique du déséquilibre Nord-Sud de l’accès à l’information s’inscrit dans une conception des relations internationales qui met l’accent sur l’interdépendance et la coopération. C’est dans ce cadre qu’il faut approcher le rôle de l’information dans la compréhension Euro Méditerranéenne. La libre circulation de l’information devient, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un enjeu de la Guerre froide et constitue un des grands contentieux entre les Etats. Selon l’UNESCO, la question de la libre circulation de l’information était interprétée selon deux logiques fondamentalement opposées. (voir : UNESCO, Rapport mondial sur la communication: les médias face aux défis des nouvelles technologies, Editions UNESCO, 1997, p. 216).En effet, l’UNESCO affirme que la conception des démocraties occidentales se fondait sur l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (Article 19: « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit »), et prônait l’élimination de toutes les barrières qui entravaient la recherche, la réception et la diffusion des informations et des idées tant à l’intérieur des Etats qu’au delà de leurs frontières. A contrario, la conception de l’Union Soviétique et des démocraties populaires trouvait ses origines dans la théorie communiste qui définit les médias en tant qu’instruments d’éducation contrôlés par l’Etat, en vue d’accélérer l’édification du socialisme. Dès lors, au principe d’une libre circulation sans entrave de l’information, l’Union Soviétique et les démocraties populaires opposaient celui d’un échange contrôlé de l’information, dans le respect de la souveraineté et de la non-intervention dans les affaires intérieures de l’Etat.
Dans ce contexte de tension internationale lié à la Guerre froide, les pays en voie de développement se déclaraient victimes de graves inégalités en matière de flux d’information entre le Nord et le Sud et considéraient “comme exagérée, déformée, voire mensongère, la façon dont les médias du Nord reflétaient leurs réalités nationales. Aussi réclamaient-ils un rééquilibrage des flux de l’information [et] donc implicitement un contrôle de l’information en provenance des pays du Nord. (UNESCO, Rapport mondial sur la communication : les médias face aux défis des nouvelles technologies, Editions UNESCO, 1997, p. 216.).
Pour répondre à toutes ces nouvelles interrogations, une Commission internationale d’étude des problèmes de la communication est établie dès 1977 par l’UNESCO. Connue également sous le nom de son Président, S. Mac Bride, le “rapport intérimaire sur les problèmes de la communication dans la société moderne” sera adopté à Belgrade le 25 octobre 1980. Le rapport Mac Bride définit les principes d’un nouvel ordre mondial de l’information : (UNESCO, Rapport intermédiaire sur les problèmes de la communication dans la société moderne, Editions UNESCO, 1978, pp. 82-83.).
- L’exigence d’un nouvel ordre mondial de l’information paraît de plus en plus généralement ressentie, même s’il est vrai que certains continuent de penser qu’il est possible d’améliorer et de réformer la situation présente sans la bouleverser fondamentalement. -Allant au delà de modifications organiques, administratives, économiques, ou de simples aménagements structurels, elle exprime la revendication de changements plus profonds et plus complexes. -La signification de cette exigence est d’abord politique. Les idées et les suggestions qui sont exprimées répondent à une aspiration diffuse mais profonde et probablement irréversible de modifier les modèles et les structures héritées de situations hégémoniques antérieures ou fondées sur la dépendance, l’injustice, l’inégalité et l’aliénation. Dans ce sens, le nouvel ordre apparaît d’abord comme une négation et un refus. -Cette exigence correspond aussi à une ambition positive de repenser les problèmes de la communication en fonction de leur caractère global et de leur interdépendance. La recherche en commun de solutions faisant appel à l’imagination créatrice de tous, reflétant la solidarité active des peuples et des Nations et capables d’orienter l’action collective apparaît comme une nécessité impérieuse au plan des exigences morales. -La construction d’un nouvel ordre mondial de l’information est intimement liée aux aspirations tendant à l’instauration d’un nouvel ordre économique international. Certains voient dans ce dernier une pré condition des transformations qui devraient intervenir dans le domaine de la communication ainsi que dans d’autres domaines: éducatif, scientifique ou social. D’autres réduisent l’interdépendance entre les deux ordres au rôle que, la communication en général et les médias en particulier, pourrait jouer pour favoriser la prise de conscience, la compréhension et sensibiliser les opinions publiques à l’égard des transformations économiques. Nombreux sont ceux qui établissent cependant un parallélisme logique entre les deux ordres. Si le nouvel ordre économique signifie l’élimination des situations d’inégalité, la réorganisation du marché mondial dans des conditions qui permettent à tous les pays de se développer en tirant le parti optimum de leurs ressources naturelles et humaines, s ‘il représente le complément économique de l’indépendance politique, s’il vise à effacer les séquelles du passé, à élargir et rendre plus efficace la coopération entre les pays, les mêmes aspirations et les mêmes objectifs s’appliquent au nouvel ordre de l’information, les deux ordres traduisant une même revendication et procédant d ‘une même exigence fondamentale. La Commission Mac Bride réaffirme ensuite une série de principes déjà évoqués au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies et de la Conférence générale de l’UNESCO : -La communication est un élément essentiel de l’indépendance culturelle elle-même inséparable de l’indépendance politique. -L’écart grandissant qui sépare les pays disposant de la possibilité de répandre librement leurs messages et ceux qui ne bénéficient pas de cette possibilité soulève des problèmes qui affectent le monde dans sa totalité, et produit des effets néfastes pour les pays en développement comme tous les pays développés. -L’interdépendance entre pays développés et pays en développement s’accroît dans ce domaine comme dans les autres, ce qui justifie et devrait faciliter l’assistance aux pays qui désirent renforcer leurs capacités en matière de communication. -Toutes les couches sociales de la population à l’intérieur et tous les pays quel que soit leur niveau de développement devraient avoir la possibilité de faire connaître leurs problèmes, leurs situations et leurs aspirations. -La communication à sens unique devrait être remplacée par un échange de messages tous azimuts, et la communication verticale complétée par une communication horizontale. -L’échange d’idées, de nouvelles, de messages et d’oeuvres culturelles devrait favoriser la réduction des déséquilibres existants, dans le respect de la souveraineté et de la dignité de tous les peuples et sans porter atteinte à leur identité culturelle. -L’élargissement constant de la circulation de l’information devrait être recherché et favorisé grâce à une collaboration plus équitable et plus étroite dans les domaines de la culture et de l’échange des idées et des informations. Le rapport conclut que la communication « met en jeu la possibilité pour les hommes de vivre désormais en bonne intelligence en acceptant enfin « l’autre » dans sa spécificité avec non plus le souci d’imposer à cet « autre » un mode de vie et de pensée, mais le désir fraternel de s’enrichir mutuellement au contact de cultures différentes. (UNESCO, Rapport intermédiaire sur les problèmes de la communication dans la société moderne, Editions UNESCO, 1978, pp. 83-84).
Le début des années quatre-vingt marque le paroxysme de la guerre froide et de la crise des Nations Unies : crise de fonctionnement, crise financière et crise de légitimité avec le retrait des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne de l’UNESCO. (E. Glaser, Le nouvel ordre international, Paris, Hachette Littératures, Forum, 1998, p. 169). Les Etats-Unis se retirent de l’Organisation en décembre 1984 et la Grande-Bretagne en fait de même un ans plus tard. Ces deux pays n’acceptent pas ce qu’ils appellent « le terrorisme tiers-monde » de l’UNESCO. (P. Moreau Defarges, Relations internationales (2.Questions mondiales), Paris, Seuil, Points Essais, 1994, p. 223).
Dans les années quatre-vingt, la démarche tiers-mondiste révèle ses limites et ses ambiguïtés. Les efforts du Tiers monde pour créer ses propres canaux d’information butent sur les divergences entre les états même si des structures sont mises en place.
Vingt ans après les conclusions de la Commission Mac bride, l’UNESCO atteste dans son “rapport mondial sur la communication” (UNESCO, Rapport mondial sur la communication: les médias face aux défies des nouvelles technologies, Editions UNESCO, 1997), que le monde a connu de profondes mutations d’ordre politique, économique et technologique qui ont généré de nouvelles géographies, de nouvelles cultures et de nouveaux marchés.

L’opposition européenne à la mondialisation de la culture :
La technologie des communications a progressé de sorte que l’information pourrait être partagée au même instant par des millions de gens partout dans le monde. Durant les dernières décennies, nous avons assisté à un processus de convergence dans la production, la distribution et la consommation de l’information. Les moyens de communications et d’information ont connu de profondes transformations comme résultat du progrès technologique et de la révolution digitale. La globalisation galopante utilise les médias, comme outils de mondialisation des idées, cultures, modes de vie et aspirations. Ces médias sont régis par des multinationales et des intérêts spécifiques qui contrôlent par là-même le contenu de l’information, les messages politiques, idéologiques et commerciaux, transmis par ces médias. L’opposition à la « mondialisation » et à la « globalisation » des produits de l’esprit ou « produits intellectuels et culturels », a été avant tout européenne, puis canadienne, voire francophone aux débuts. C’est la réunion des ministres européens de culture, fin 1978, qui a sonné l’alarme contre le danger des industries culturelles géantes et transcontinentales. Le terme même d’industries culturelles a été utilisé par les experts français avant qu’il ne soit utilisé dans les communiqués du conseil européen. Dans son discours devant le sommet G7 à Versailles, France, en juin 1982, le président français François Mitterrand défendit le droit du Sud à avoir une politique lui permettant de conserver ses moyens de communication et les sens et symboles dont ils sont porteurs. Jack Lang (ministre de la culture à l’époque) est allé plus loin dans son discours devant le congrès international de l’UNESCO sur les politiques culturelles (Mexico, Juillet 1982) en appelant à une vraie croisade (ou Jihad dans nos termes) contre “l’impérialisme culturel”. L’Europe a concrétisé son opposition à cet impérialisme culturel, dès 1989, quand les 12 ont adopté une nouvelle stratégie qui consiste à développer et soutenir une chaîne de télévision européenne (Sans Frontière) lancée en 1984. Les Etats-Unis voyaient l’information et la communication comme “services” qui devaient être soumis aux règles du libre commerce, de même que la santé publique, l’environnement ou la sécurité. En 1993, l’Union Européenne s’est vue opposée aux Etats-Unis dans le cadre de la phase finale du cycle de l’Uruguay de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) qui allait donner naissance à l’OMC. Et la même année, le Canada s’est vu dans la même opposition lors de la signature de l’accord de libre échange nord-américain (ALENA) entré en vigueur en 1994. L’Europe a réussi (fin décembre 1993) à faire inclure ce principe dans l’accord final du GATT. Le Canada avait réussi à imposer dans ses négociations sur le GATT la reconnaissance du “statut particulier des produits de l’esprit” et la protection de l’identité culturelle canadienne. Cet article (article 2005) fut connu sous le nom de « protection de l’exception culturelle ». La France a adopté le principe de “l’exception culturelle”. En février 1995 le G7 se réunissait à Bruxelles dans un sommet sur les “nouvelles techniques d’information et de communication”. Albert Gorr représentant les Etats-Unis prônait son projet (soutenu à l’époque par le président Clinton) appelé (Super Highways of informations). Tandis que les Européens supportaient leur projet présenté en 1993 par Jacques Delors (président de l’Union Européenne à l’époque) connu sous le nom de (inforoutes). Le projet américain centrait sur l’initiative individuelle comme moteur de la société de communication et sur la libre compétition sans frontières ni barrières, prônant de faire du commerce électronique “une zone mondiale de libre échange”. (Clinton signera ce projet en juillet 1997). L’Europe défendait son unité dans la diversité culturelle, et prônait le développement et la compétition, mais dans le cadre d’une mobilisation générale de tout le système industriel européen pour créer des chances de travail. L’Europe visait à construire un cadre organisationnel et une base financière crédible pour contrôler l’effritement des marchés et des compagnies européens de l’audio-visuel et ainsi pouvoir utiliser les énergies et capacités de la révolution informatique d’une façon bénéfique surtout dans le domaine de la lutte contre le chômage, en vue de transformer le marché européen en un atout principal dans tout conflit sur le marché international. Le projet européen voulait faire de la pluralité culturelle des Etats de l’Union un point de force et non pas une faiblesse. Depuis, la France et le Canada sont devenus les pionniers dans la lutte pour une “convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles”. Cette convention fut adoptée à la conférence générale de l’UNESCO, le 20 Octobre 2005 par 148 voix contre 2, et 4 abstentions. L’objectif de la convention est de garantir dans le domaine de la culture la liberté des Etats de définir et de mener des politiques pour préserver la diversité de leurs expressions culturelles. C’est grâce à l’Union Européenne, au Président Jacques Chirac, que ce texte fut passé, pour dire que les oeuvres culturelles ne peuvent pas être assimilées à des marchandises.

Dialogue et compréhension mutuelle :
Comment bâtir l’amitié Euro-Med ?
La compréhension mutuelle nécessite dialogue, en vue de connaissance et de solidarité. Sans connaissance de l’autre, sans solidarité avec l’autre, le dialogue serait polémique ou simple échange de formalités. La connaissance de l’autre, différent, pluriel, avec qui nous devons se comprendre, s’entendre et coopérer, signifie l’échange d’informations et de communication. Les deux critères de toute connaissance, objective sont la vérité et l’équité. L’information et la communication doivent se baser sur ces deux critères de vérité et d’équité, pour être objectifs et utiles dans la formation de l’opinion publique et des attitudes générales envers l’autre. L’Imam Ali disait que l’ignorance est la source de l’inimitié, la connaissance la base de l’amitié. Jean Paul II disait que l’amitié ne se limite pas au niveau des individus, mais doit être construite entre peuples et nations. Pour bâtir l’amitié, il faut dissiper les idées fausses et les stéréotypes qui engendrent la peur de l’autre, l’animosité et la phobie. C’est le domaine de l’information. Le processus de Barcelone (Nov. 1995) est envisagé comme cadre élargi de relations politiques, économiques et sociales entre les Etats membres de l’Union Européenne et les 12 partenaires de la rive sud de la Méditerranée. Les 3 grands objectifs du partenariat sont : 1-La définition d’un espace commun de paix et de stabilité au moyen d’un renforcement du dialogue politique et de sécurité (volet politique et de sécurité). 2-La construction d’une zone de prospérité partagée au moyen d’un partenariat économique et financier, et l’instauration progressive d’une zone de libre échange (volet économique et financier). 3-Le rapprochement entre les peuples au moyen d’un partenariat social, culturel et humain qui vise à favoriser la compréhension entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles. (volet social, culturel et humain). En 2005, la migration fut ajoutée comme un secteur-clef pour l’initiative Euro-Med ; fut ajouté aussi un code de conduite anti-terroriste qui se base sur les résolutions des Nations-Unies. Le dialogue et l’échange d’informations doit toucher ces objectifs ou volets, en s’arrêtant sur les points d’incompréhension et de conflit entre les 2 rives: A.Les différences culturelles: 1-En partant du principe d’exception culturelle prôné par l’Europe dans les années 90, et voté par l’UNESCO en 2005, l’échange et la communication doit prendre en compte les aires culturelles différentes: l’Europe occidentale catholique, l’Europe orientale orthodoxe, le Moyen Orient et l’Afrique du Nord musulman. Ainsi que la pluralité et la diversité à l’échelle régionale, tout en centrant sur les situations conflictuelles aigues (Palestine, Liban,Iraq, Balkans,..).
2 -La relative unité linguistique sur la rive sud (langue arabe) et la grande diversité au nord (côté européen). 3 -L’Islam largement présent sur la rive nord avec les problèmes engendrés par l’intégration et la citoyenneté. 4 -L’Occidentalisation rapide et aigue au sud avec les crises identitaires accompagnant. 5 -Jeunesse, pauvreté et Islam au sud; vieillesse, richesse et chrétienté au nord, avec des nuances dans le détail.
6. la présence chrétienne arabe sur la rive sud est facteur de richesse et d’échange culturel.

B. Clivages économiques très forts:
1 -Ruptures majeures au niveau du PIB/ habitant
2-Ecart de richesse important entre les états de l’Union Européenne et les autres.
3-Même les pays européens les moins avantageux de l’économie mondiale et qui sont au dessous de la moyenne européenne, dépassent largement les pays arabes : le PIB/hab. de la Grèce (12 millions d’habitants) est équivalent à ceux de l’Egypte, la Syrie, le Liban et la Jordanie cumulés (à peu près 100 millions d’habitants).

C. La migration :
1 -Les déséquilibres économiques entrainent d’importants flux migratoires vers le nord.
2 -Le phénomène s’aggrave avec les migrations clandestines et le changement d’état de quelques pays qui étaient terres d’émigration en terres d’immigration (Italie, Espagne, Grèce).
3 -Le phénomène devient dangereux avec la montée du fondamentalisme, le fanatisme, la crise d’identité et le terrorisme.

D. Politique et sécurité :
1 -Les Européens centrent sur les problèmes de sécurité régionale et de coopération bilatérale entre Arabes et Israéliens.
2 -Après 17 ans de la conférence de Madrid, et 13 ans de Barcelone, pas de paix et de stabilité, ni de sécurité au Moyen Orient.
3 -L’Europe n’a jamais essayé de jouer un rôle ou de préciser son rôle dans le processus de paix.
4 -Les Etats Unis définissaient le rôle européen ou lui assignaient un domaine ou un champs d’action (exemple le rôle avec l’Iran ou la Syrie) mais pas un rôle européen indépendant et actif dans le processus de paix.
5 -La question des aides et de l’assistance socio-économique est devenue centrale dans la vision européenne, sans toucher le problème du vrai partenariat.

E. La politique Européenne de voisinage :
1 -Son objectif est d’éviter que le clivage entre les pays de l’Union Européenne et ses voisins ne soit trop fort.
2 - Les grandes orientations de la politique Européenne de voisinage sont mises en place le 12 mars 2004, et ne concernent pas tous les états du pourtour méditerranéen: c’est favoriser les accords bilatéraux au dérivement du processus global de Barcelone.
3 -Les actions de cette politique Européenne de voisinage reflètent les priorités européennes du XXIe siècle face aux problèmes politiques (crise du moyen orient) et aux difficultés économiques des pays du sud et de l’Est.
Les objectifs de cette politique Européenne de voisinage sont :
1 -Proposition d’assistance pour aligner les législations et la règlementation sur celles de l’Union Européenne afin d’améliorer l’accès au marché intérieur.
2 -Proposition de participation à un certain nombre de programmes communautaires, notamment dans les domaines de l’éducation, de la recherche, de l’environnement.
3 -Stimulation de la coopération sur les questions de gestion des frontières, de mouvements de population, de trafic d’êtres humains, de criminalité organisée, de blanchiment de capitaux et de criminalité financière et économique.
4 -Amélioration des liens avec l’Union Européenne dans les domaines de l’énergie, des transports et des technologies de l’information.
5 -Intensification du dialogue et de la coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive et en matière de résolution des conflits régionaux.

Conclusion et remarques
1 -L’Europe ne parle pas la même langue et n’a pas une seule voix vis à vis le problème politique central au Moyen Orient.

2 -Les Arabes eux mêmes n’ont pas une même langue ou la même voix.

3 -L’Europe a été le meilleur soutien à l’autorité palestinienne. Sans l’assistance européenne l’autorité palestinienne s’effondrait.

4 -Y a-t-il vraiment une possibilité pour une politique européenne commune vis à vis le Moyen Orient, qui soit indépendante de celle des Etats-Unis ?

5 -Il y a aujourd’hui en Europe 2 courants d’interprétation de l’initiative de Barcelone:
a. L’initiative est une expression de la volonté européenne d’aboutir à un espace de sécurité commune élargie avec son voisinage qui est source des migrations et d’instabilité.
b. L’initiative est l’expression de la compétition
géopolitique et économique avec les Etats-Unis.
Dans les 2 cas, la Méditerranée doit bénéficier de cette initiative.

6 -L’Europe ne peut pas bâtir sa société de bien être sans la mise en place d’une relation d’équité avec le sud.

7 -L’exigence de transparence, de visibilité et d’efficacité est aujourd’hui la base des relations entre Europe et Moyen Orient, entre Nord et Sud. Quelle est donc ici la valeur ajoutée à cette exigence dans l’initiative européenne?

8 -La société civile Internationale est devenue un fait et une réalité, refusant les projets surdimensionnés qui oublient que la priorité devrait être la satisfaction des besoins de base.

9 -IL y a un grand écart entre la communauté des décideurs et la communauté des intellectuels et acteurs sociaux.

10 -Il y a une grande différence entre l’information-propagande et mobilization, et l’information-connaissance. C’est çà le grand problème sur les deux rives de la méditerranée.

ورقة عمل أولية لتأسيس هيئة إسلامية عربية للحوار والعدالة والديمقراطية

( هيئة إسلامية عربية للحوار والعدالة والديمقراطية)

تنطلق هذه الورقة من الإعتقاد الراسخ بأن المطلوب اليوم في بلادنا العربية هو صياغة مشروع عام يسمح بتجاوز التفكير المذهبي والطائفي والعشائري والمناطقي الضيق الأفق، وبإعادة الاعتبار للعلم والمعرفة ، للفكر والوعي النقدي ، للجد والجهد والاجتهاد ، للحوار وللممارسة النظيفة ، للتضامن وللمشاركة ، فنعيد الاعتبار بذلك للسياسة كعلم وفن، كممارسة نظرية وكفاعلية اجتماعية ، لمصلحة الناس ، وبواسطة الناس ، أي لنعيد موضعة السياسة في سياق تجربة الحق والعدل والتقوى في حياة البشر وتاريخهم ، وذلك عملاً بقول الإمام علي: "إعرف الحق تعرف أهله"...و "يُعرف الرجال بالحق لا الحق بالرجال".
إن هذا يتطلب صياغة تفكير إسلامي أصيل ومجدد ، منفتح ومتجذر، تقدمي تضامني ، يُعيد إدراج الناس في التاريخ وفي صنع المستقبل.
إن صياغة تفكير إسلامي جديد وأصيل ومجدد هو المهمة المركزية المطروحة علينا لبلورة تيار تاريخي وبناء كتلة تاريخية تكون قادرة على تلبية متطلبات النهوض والتقدم لبلادنا العربية ولأوطاننا. ان التفكير الإسلامي الجديد هو اليوم حاجة وضرورة:
I- وطنياً (قطرياًً) : لتمكين المواطنين (أو الناس بحسب المصطلح القرآني) في كل بلد عربي من وضع حد نهائي للحروب الأهلية وللتمزقات المختلفة ، ومن إعادة بناء بلدهم ، مجتمعاً ودولة ومؤسسات ، على قاعدة العدالة والكرامة والمساواة ، للجميع وبين الجميع.
II- عربياً: لإقتراح مشروع طريق عربية إسلامية نحو الحداثة والمعاصرة ، نابعة من الهوية العربية – الإسلامية ، مرتكزة على القيم الروحية والأصالة الذاتية لمجتمعاتنا، تكون أكثر روحانية وأكثر انفتاحاً على التراثات الأخرى ، وأكثر تفاعلاً مع المصير الإنساني.
III- دولياً: كإسهام حضاري إنساني في بناء نموذج قابل للحياة ، متجدد ومتطور، في عالم مضطرب ممزق بالصراعات الدينية والمذهبية والعرقية ، وكدعامة للمجتمع الدولي في سعيه إلى بناء عالم جديد قائم على العدالة والاحترام المتبادل والتعاون لما فيه خير وسعادة الناس والبشرية جمعاء.

إن كل ذلك يتطلب صياغة مشروع فكري – سياسي- ثقافي إسلامي جديد انطلاقاً من تجارب المرحلة التاريخية للقرن العشرين ودروسها ، واستناداً إلى فكر إسلامي أصيل ومجدد نجد منابعه وتصوراته لدى الكبار من مجتهدي ومجددي القرن العشرين.
ان هذا المشروع يجد له أيضاً سنداً في خبرات عديدة على المستوى العربي أبرزها تيار الوسط والمراجعات الجهادية في مصر، وحزب النهضة في تونس ، وحزب العدالة والتنمية وحركة البديل الحضاري وحزب الأمة في المغرب ، والجبهة الإسلامية القومية في السودان ، وحزب العدالة والتنمية في تركيا ، والتجربتين اللبنانية والعراقية.
إننا نرى أنه من غير الممكن صياغة تفكير إسلامي جديد وأصيل، وبلورة تيار نهوض وطني حقيقي في كل بلد ، دون إجراء تصفية حساب مع الأفكار والمفاهيم والممارسات التي أعاقت وتعيق استكمال مهمات السلم الأهلي والوحدة الوطنية والإنماء المتوازن والإعمار والازدهار في ظل الكرامة والعدالة والمساواة.
ان بلورة النقد الجذري للثقافة السياسية السائدة وتأسيس ثقافة نقدية حقيقية هو الخطوة الاولى المطلوبة .
إن تجربة العرب مع الحروب الأهلية ، وخبرتهم الطويلة مع الإيديولوجيات (القومية والماركسية كما الأصوليات العلمانية والدينية) ورفضهم للحلول التمامية – الكلية ، قد دفعت بهم إلى وعي الإطار الوطني الخاص لكل بلد وإلى التمسك به بعد أن كانوا أسيري المطالب المافوق وطنية أو المافوق قومية. كما دفعت بهم إلى اكتشاف خصوصية كل تجربة على مدى حوالي قرن كامل من الزمن (اي منذ سقوط الدولة العثمانية). إن الخبرة الطويلة المتولدة عن العيش المشترك الطويل الأمد بين المسلمين والمسيحيين ، وبين السنة والشيعة ، وبين العرب والكورد ، وبين العرب والبربر والأفارقة ، وتجارب الحروب الأهلية والصراعات التي مزقت مجتمعاتنا واغتالت تاريخنا وحاضرنا وتكاد تجهض مستقبلنا ، تؤهلنا اليوم أكثر من أي يوم مضى لإطلاق تفكير إسلامي جديد وأصي، ولإطلاق الصيغة الوطنية على أسس جديدة ، ولرفض استئثار قوى الحرب والتطرف ، وقوى الوصولية والفساد ، وقوى التكفير والهجرة ، في تحديد ورسم دور الإسلام في بناء أوطاننا ودولنا وفي مواجهة تحديات الحداثة والعولمة.
IV- لقد حافظ المسلمون والعرب إلى حد ما على مرجعية أخلاقية معنوية تسمح لهم على الدوام بتجديد هويتهم وتحديد اتجاه حركتهم. مما يؤهلهم اليوم للمبادرة إلى استعادة وحدة الذات ووضع حد للتمزق وللتقصف النفسي الناجم عن تعايش عوالم مختلفة في داخل الإنسان المسلم والعربي ، ادعت الإيديولوجيا حتى الآن توحيدها ، في ما هي فاقمت من تناقضها وتنابذها إلى حدود حرب الأنا مع الآخر وحرب الكل ضد الكل.
V- إن الوحدة العربية الإتحادية (الفدرالية) هي الإطار الأنسب والأعدل لمعالجة كل مخلفات الاستعمار والتجزئة والتخلف ، ولحل قضية التحرر والاستقلال والتنمية والعدالة والديمقراطية في بلادنا.. إن مشروعنا هو للأمل وللحياة وللمستقبل.

مبادئ عامة ناظمة للشأن الوطني
1- إن الهيئة تقوم على قاعدة توكيد التزامها المسلمين والعرب ووحدتهم وكرامتهم والعمل على توحيد الرؤية والتوجه وذلك ضمن الالتزام الأعمق بالشعب وقضاياه الوطنية في كل بلد ومجتمع ، وبين البلاد العربية ككل : مجتمعات ودولاً.
2- إن انتماء الهيئة إلى الوسط الإسلامي لا يعني اختصار الوطن في الوظيفة المذهبية أو الطائفية الخاصة بل يعني تجاوز المهمة الداخلية الخاصة لحمل هموم الوطن والشعب ومعالجة كل القضايا من منظار وطني جامع وعلى قاعدة الإسلام السمح المستنير.
3- إن المطلوب هو صياغة رؤية عربية إسلامية تنطلق من المشروع الوطني الخاص لكل بلد ومن الرؤية العربية الفدرالية الموحدة للعرب ومن القيم الإسلامية والإنسانية الجامعة لكل المواطنين: مسلمين ومسيحيين ، سنة وشيعة ، عرباً وكورداً وبربراً...
4- إن الهدف هو تحقيق الانخراط الواعي والقوي ومن موقع إسلامي في عملية بناء الوطن والدولة وفي عملية إعادة تشكيل الشخصية الثقافية والسياسية للمواطن والمجتمع .
5- إن الهيئة تنطلق من كون الطوائف والجماعات المكونّة للمجتمع ، نوافذ حضارية لا كهوفاً يحتبس فيها اتباعها ، ومن حقيقة أن تنوع المجتمع الأهلي هو ثروة لا يجوز التفريط فيها ، كما لا يجوز الإفراط في صنميتها أو تحويلها إلى "تعدد ثقافي – إثني" هو مصدر فتن وتوترات.
6- إن مسؤوليتنا ليست في الحفاظ على التنوع فهو حقيقة قائمة وثروة وطنية، بل أن المسؤولية هي في الحؤول دون تحول هذا التنوع إلى تعدد صراعي أو إلى أدوات صراع أو إلى انغلاق فوقي استعلائي. إن واجبنا هو حفظ التنوع في المجتمع الأهلي وتطويره كمصدر غنى ومعرفة وتكامل وقوة للجميع، وفي وضعه في سياق بناء العيش الواحد والدولة الواحدة والثقافة الوطنية الواحدة.
7- إن الخروج من كهوف الطائفية والمذهبية والعشائرية والمناطقية والدخول في الدين والوطن معا هو خيارنا التاريخي الذي لا رجعة عنه. وان الدعوة إلى دولة مدنية تحترم الأديان وأهلها. هو المشروع والأفق الذي نعمل عليه.
8- إن الدولة التي نريد ليست ولن تكون لطائفة دون أخرى أو مع فئة ضد أخرى ناهيك عن ان تكون دولة أشخاص. أنها دولة الجميع وللجميع، عدالة وكرامة ومساواة، للجميع، وبين الجميع.
9- إن بناء مجتمع سياسي واحد لمجتمع أهلي شديد التنوع لهو مهمة تاريخية شاقة. إن مشروع الدولة المدنية العادلة المتكاملة ومشروع المجتمع السياسي الوطني الموحد على أساس المواطنة دون توسيط لمذهب أو طائفة أو انتماء مناطقي أو عائلي في علاقة المواطن بالوطن وبالدولة، يتمثل في قيام صيغة متوازنة للعلاقة بين الدولة والمجتمع وبين الدولة والدين. إننا ندعو إلى تطوير صيغة مدنية تحفظ لكل انتماء موقعه ودوره في إطار متوازن وتحت سقف المشروع الوطني الواحد وعلى أساس الإسلام السمح المستنير المتحرك وقاعدة العيش المشترك. ولنا في تجربة صحيفة المدينة خير مثال.
10- إن قراءتنا لتجربة الجماعات المكونة للاجتماع العربي-الاسلامي تكشف لنا أن الوحدة هي استقطابها وأن الدخول في الدين والوطن معاً هو خيارها. إن أي طائفة أو جماعة لا يمكن أن تنجز مشروعاً خاصاً بها.. ولا يمكن أن يوجد وطن ودولة من خلال مشروع خاص بفئة أو طائفة أو حزب أو جماعة مهما كانت قوتها وعددها . إننا ندعو كل الفئات والجماعات إلى توكيد اندماجها في أوطانها وإلى تأكيد أصالة تكوينها لهذه الأوطان وأصالة عروبتها. وهذه الدعوة ليست تبريرية أو دفاعية بقدر ما هي مشاركة إيجابية في بناء المستقبل على ضوء الماضي القريب حيث شارك كل المواطنين ، ومن مختلف المذاهب والطوائف والأقوام ، في بناء بلادهم وإعمارها، وفي تحقيق الوحدة الوطنية والتحرر والاستقلال لأوطانهم .
11- إن الهيئة تعتبر نفسها جزءا من المجتمع الأهلي وتلتزم حمل هموم وتطلعات المحرومين والمستضعفين والكادحين على قاعدة الحق والعدل ، دون غرق في نزعات الغائية أو إقصائية أو في تطرف صبياني أحمق. إن الإطار المنوي تأسيسه ليس نقابة أو هيئة مطالب ، وليس نادياً للمثقفين أو تجمعاً للسياسيين ، ناهيك عن أن يكون مطية لأي فرد للوصول السياسي الرخيص . انه إطار حواري متحرك ومنفتح حريص على استقلاله عن الدولة ومؤسساتها وعن السلطة وأجهزتها، دون أن يعني ذلك بالضرورة تعارضاً أو تناقضاً دائماً معها، ولا تماهياً معها أو تبعية لها.
12- إن الهيئة تهدف إلى تأسيس إطار عمل شعبي ووطني واسع ، للمسلمين الملتزمين مشروع الوطن النهائي والدولة المدنية والوحدة ، المؤمنين بأن الحوار الدائم ، والعيش المشترك في إطار الحرية والديموقراطية والوحدة ، هو خيار تاريخي لا يتم من موقع الضعف أو المناورة ، ولا من موقع الاستقواء أو النفاق ، بل من موقع مبدئي فقهي إسلامي أولاً ووطني سياسي ثانياً.
13- إن إطلالتنا على الشؤون الإسلامية الخاصة ينبغي أن تتم من منظار وطني جامع يرى العام المشترك ولا يغفل الخاص المتفاعل المندمج. وإن إطلالتنا على الشؤون الوطنية من منظار إسلامي أصيل يعيد إلى العروبة وإلى الفكر الإسلامي وجهه الحقيقي وللوطنية الحقة نكهتها المميزة في إطار الانتماء العربي الإسلامي العام.
14- بهذه البساطة وعلى هذه البصيرة تقوم الهيئة الإسلامية وهي مدعوة إلى بلورة أطروحتها ومقصدها كمنهج ورسالة : في الإسلام السمح المستنير كأصالة ومعاصرة ، وفي العروبة الحضارية كمكوّن ثقافي تاريخي ، وإلى تأصيل الأطروحة الوطنية وتوطين الأطروحة الإسلامية ، وتأطير كل ذلك في مراكمة معرفية دؤوبة ومثمرة.
15- وعليه فأنه للقيام بهذه المهام لا بد من إطار للفكر وللمارسة، يغتني بالآراء ويتفاعل مع الواقع، ويندرج في سياق حواري نهضوي حقيقي.


أفكار في الشأن العربي – الإسلامي

1- إن السنوات والتجارب الماضية قد كشفت لنا إن الهول الذي يواجهنا عرباً ومسلمين، سنة وشيعة ، كما مسلمين ومسيحيين ، كبير جداً، ويتناول سلامتنا الجسدية المادية ، ومضموننا الثقافي والقيمي ، ومصالحنا الاقتصادية ، في أخص ما لها من خصائص وفي أشمل ما لها من أطر. كما يتناول دورنا في العالم ، إذا يراد ان نكون مجموعة من البشر تزّود العالم المتقدم إمكانات السوق وتستهلك ما ينتجه على كل الصعد ، وتبقى كماً مهملا لا دور لها ولا ريادة في صنع هذه المرحلة من التاريخ.
2- إننا في العالمين العربي والإسلامي بما نحمل من قيم الإسلام، نريد أن نتواصل مع العالم ونثريه، ونتعاطى معه على قاعدة "وجعلناكم شعوبا وقبائل لتعارفوا".. فليس موقفنا من أية صيغة للنظام العالمي موقف الرفض أو التبني وإنما نريد أن نكون جزءاً من هذا النظام الجديد إذا كان عادلاً ونريد أن نتكامل معه على أساس المساهمة في صيغته لا على أساس التلقي والخضوع.
3- إن الوضع العالمي الجديد يبعث على القلق وهو يثير أسئلة قلقة حارة لا نملك أجوبة لها بعد. وعلينا أن نطرح هذه الأسئلة وأن نقترح ما ينبغي أن يكون وأن نطلق حالة حوار فكري ثقافي سياسي تتواصل مع غيرها من المؤتمرات والمنتديات العربية والإسلامية ومع حركات اليقظة والتجديد والإبداع في اجتراح الأطروحة الإسلامية المعاصرة.
4- إن العالم الثالث عموماً ، والعالم العربي والإسلامي بالتحديد ، يسير نحو أوضاع مثيرة للقلق. ولا تنفع هنا الوصفات الجاهزة من قبيل "الإسلام هو الحل" أو "الدولة الإسلامية هي البديل" ، تماماً كما لم تنجح الوصفات القومية والماركسية والليبرالية السابقة .
5- إن الحريات شرط للمعرفة وبقاء المجتمع الأهلي ، وإن الديموقراطية والشورى شرط لتطور مجتمعاتنا ونهوض أمتنا وتقدم شعوبنا. إن الدولة الحديثة في العالمين العربي والإسلامي لم تنتج نموذجاً للديموقراطية الخاص بها فلجأت إلى أشكال من الديكتاتورية الظاهرية والمقنعة. إن علينا تقديم أجوبة على التحديات التي تثيرها إشكالية بناء الدولة المدنية في عالمنا العربي والإسلامي ، وإشكاليات العلاقة بين الدولة والمجتمع ، وبين الأمة والوطن.
6- إن من همومنا أيضا أن نبحث مع غيرنا عن الشروط الضرورية لمصالحة الأمة مع ذاتها، وعن الشروط الضرورية لبناء الدولة الجامعة المتواصلة مع مجتمعها، المتكاملة معه والمعبرة عنه، الدولة المتوازنة غير المستبدة أو المتسلطة، ولا الغائبة أو المغيبة. إن إجتراح صيغ تنظيمية جديدة لفكر سياسي جديد، هو الطريق لنهضة حقيقية وتاريخية.
7- إننا ندعو إلى المهادنة والمصالحة الداخلية ووقف الاحتراب والنزيف في مجتمعاتنا العربية وذلك على قاعدة الحوار الإسلامي المسيحي ،والحوار الإسلامي العلماني ، والحوار بين الأنظمة والقوى السياسية والجماهير الشعبية . إن هذه الدعوة قد تكون مثيرة للجدل الكبير والكثير ذلك أنها تصدم نمطاً وسياقاً في العمل السياسي والديني وفي الفكر والمناهج ، حكمت أمتنا ومجتمعاتنا وحركاتنا السياسية ، وكانت برأينا المسؤولة عما نحن عليه اليوم من تخلف وهزيمة ومن انتظار وتوقع لأكبر المخاطر في المستقبل. ولقد آن الأوان لإطلاق طاقات الحوار السياسي وقبول الآخر، والسلم الأهلي، والنهضة والإنماء الإنساني الشامل ، ولقبول التعددية الحزبية والسياسية ، وتداول السلطة بالوسائل السلمية وعبر صناديق الاقتراع ، ولتوطين الديموقراطية في حياة مجتمعاتنا وصون الحريات واحترام الحقوق والواجبات.
8- إن دخولنا عالم الغد باعتبارنا شركاء ومسؤولين لا عملاء وتابعين مرهون بتنظيم شروط ذلك أي أن نغير ما بنا ليمكننا الله من تغيير وضعنا وما حولنا. إن الشرط الداخلي للنهضة هو نحن: وحدتنا الداخلية وسلامنا الأهلي وديموقراطيتنا وحرياتنا. وإن الشرط الخارجي للنهضة هو التوازن والعدالة في السياسة الدولية. غير إن عدم تأمين الشرط الخارجي لا ينبغي أن يؤدي بنا إلى التضحية بالشرط الداخلي.
9- إن طموحنا هو المساهمة في أطروحة انخراط الأمة من خلال قياداتها كلها في مجال الفكر والمعرفة والسياسة والتنظيم لمواجهة التحديات، وإلى دمج القوى الكامنة في أمتنا عبر المصالحة والحوار الحي المفتوح بين مجموعاتنا دولاً وموارد وقوى سياسية وفئات ثقافية واجتماعية.
10- إن السياقين الكبيرين في صنع الحاضر والمستقبل منفصلان. فالقرار السياسي يعمل في سياق ومؤسسات الفكر والبحث تعمل في سياق آخر. صحيح أنه توجد مادة معرفية ولكنها لا تدخل في الآلية التي تحولها إلى طاقة. فآلياتنا تعمل من دون طاقة لأن طاقاتنا مبددة أو مخزونة أو مستغلة للآخرين. لن تستطيع الهيئة بالطبع حل هذه الإشكالات ولكن يكفي طرحها بوضوح وجرأة والحوار حولها وتعميم ذلك لتكوين حالة من المعرفة ومن التضامن تسمح بخطوات لاحقة.
11- إن المطلوب طرح الأسئلة بطريقة جديدة تستعيد وتستدعي وتحمل هموم مفكري النهضة الإسلامية جميعاً (السيد جمال الدين الأفغاني والشيخ محمد عبده والسيد عبد الرحمن الكواكبي والشيخ حسين النائيني والشيخ محمد رضا المظفر والسيد محمد تقي الحكيم والشيخ مرتضى مطهري والإمام روح الله الخميني، والأستاذ علال الفاسي والأمير شكيب أرسلان والأستاذ كمال جنبلاط والدكتور مالك بن نبي والدكتور الطاهر الحداد والشيخ محمد الفاضل بن عاشور والدكتور علي شريعتي والسيد موسى الصدر والشيخ محمد مهدي شمس الدين، والشيخ محمد الغزالي والشيخ راشد الغنوشي والشيخ حسن الترابي والدكتور طه جابر العلواني والدكتور طارق البشري والدكتور عبد الوهاب المسيري والدكتور محمد سليم العوا والدكتور عادل عبد المهدي ) وإعادة طرحها آخذين في الاعتبار ما استجد من معرفة ومن تجارب وتحولات واحتمالات مستقبلية وشؤون حياتية وعلاقات بين الأمم والشعوب ، تمهيداً للانشغال في الإجابة المفتوحة القابلة للاغتناء بكل ما يطرأ ويستجد بالعلاقة مع وقائع التاريخ ومعايشة الحاضر واستشراف المستقبل.
12- إن على الهيئة أن تطل عبر هذه الإشكاليات والتحديات على رحابة الفكر الإسلامي وقدرته على الإغناء والتجديد والتطوير والإنماء. وأن تطل على ضرورة تكوين مناخ نفسي وجداني عقلي يعزز ويدعم الشخصية الحضارية السوية للفرد وللمجتمع.

13- إن ثقافة الحرب والاحتراب ، والفتنة والجهل ، والتكفير والهجرة ، قد أكلت وتأكل عقول الناس ، وأفسدت وتفسد قلوب وأذواق الناشئة. وهي أفقدت مجتمعاتنا روحها السمحة وفرحها القرآني ، وسويتها المطمئنة . وإن من أولى واجباتنا إطلاق طاقات الخير والبركة والحب والتضامن ، وإعادة ترميم ذاكرة العيش المشترك وثقافة الوحدة ، أي إعادة بناء الشخصية الحضارية السوية للفرد وللمجتمع.
14- إن إعادة البناء هذه هي عملية ثقافية ضرورية تشمل اللغة السياسية اليومية والأفكار المسبقة الرائجة ، والمسلمات الخاطئة ، والسلوكيات الشاذة المقيمة بين ظهرانينا، والأخلاق المستوردة والمشوهة ، والانبهار السطحي بالخارج ، والامتلاء المغرور الفارغ ، وفقدان الشخصية الواثقة الناضجة الحكمية المطمئنة. إن إعادة البناء والتأهيل هذه تمر عبر تأصيل القيم والمبادئ الدينية المشتركة والأخلاق الإنسانية العالمية.
15- إن فهم الواقع واستشراف آفاق المستقبل وبالتالي رسم خطة لانتقال صحي سليم باتجاه المرتجى لا يمكن أن تتم إلا من خلال الحوار كمنهج وليس فقط كشعار. غن الحوار الساعي إلى تطوير المساحات المشتركة وتعزيز التضامن حولها ، بعيداً عن نزعات الاجتزاء أو المصادرة ، هو منهجنا.

خاتمـة
إن الهيئة الإسلامية إذ تقدم هذه الورقة الأولية للحوار، تتمنى أن تكون المبادئ الواردة فيها منطلقات لحوار حقيقي مفتوح على التطوير وعلى الاكتمال من خلال القراءات والتجارب المتعددة ومن خلال اختبار الأفكار في الواقع ، بما يؤمن للإطار صدقية حقيقية لا مدعاة ، فلا محل بيننا للكلام بالنيابة عن الآخرين ، ولا لمصادرة عقول وأفكار الناس ، ولا وجود لفئة أو جهة يمكنها اختصار الجميع أو الاستغناء عنهم. ولا محل للنظريات الجاهزة المسقطة من الخارج أو للرغبات الفئوية المتشكلة في صيغ جامدة. إننا ندعوكم إلى اكتشاف وبلورة مفاصل أساسية يمكن أن ينعقد عليها جهد وطني عربي إسلامي تاريخي يضع السكة على أرض حقيقية وفي وجهة صحيحة.

د. سعود المولى
رئيس المجلس الإسلامي للحوار والعدالة والديمقراطية
بيروت- لبنان

Quel retour à Marx pour penser notre temps ?

FACE-À-FACE AVEC : EDGAR MORIN, philosophe et sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS et docteur honoris causa de nombreuses universités dans le monde ; ANDRÉ TOSEL, philosophe, spécialiste de Marx et des marxismes, professeur à l’université de Nice.
Avec la crise, la référence à Marx cesse d’être taboue. Les ouvrages sur l’auteur du Capital se multiplient, ainsi que les dossiers spéciaux dans la presse.
Sans mettre sur le même plan les nombreuses publications consacrées à Marx ces derniers mois, on ne peut, néanmoins, qu’être interpellé par ce regain d’intérêt si soudain. Quand des magazines tels que le Nouvel Observateur ou le Point, chacun avec sa sensibilité, se penchent sur Marx, cela fournit au moins l’indice de quelques fissures dans un paysage médiatique encore dominé par l’idéologie du capitalisme comme horizon indépassable de l’histoire. « Il se peut bien que ce à quoi nous assistons, ce ne soit pas seulement la fin de la guerre froide ou d’une phase particulière de l’après-guerre, mais la fin de l’histoire en tant que telle  : (…) l’universalisation de la démocratie libérale occidentale comme forme finale de gouvernement humain », écrivait en 1989, année de la chute du mur de Berlin, le chef de file de cette conception, l’Américain Francis Fukuyama. Près de vingt ans plus tard, en octobre 2008, des New-Yorkais manifestent devant la Bourse de Wall Street, en brandissant des pancartes « Marx avait raison  ! ». Son « retour » serait-il la conséquence mécanique de la chute des idoles néolibérales  ? Rester à ce niveau de réflexion serait ne voir chez Marx qu’une autre conception de la fin de l’histoire, « la société libre et sans classes », à opposer à celle, enfin reconnue défaillante, d’un Fukuyama. Or ce postulat d’une fin de l’histoire a été largement instrumentalisé pour légitimer des pouvoirs autoritaristes à l’époque du « socialisme réel ». Les deux philosophes, Edgar Morin et André Tosel, que nous avons conviés ici à un échange sur l’actualité de la pensée marxienne, s’inscrivent, chacun à sa façon, à rebours de tout déterminisme historique. 
Marx lui-même, dans son 18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte, expliquait que « les hommes font leur propre histoire (…), mais dans des conditions directement données et héritées du passé ». 
Tout l’enjeu est alors de clarifier les véritables fondements de ces conditions… Edgar Morin insiste sur le rôle de l’imaginaire, de la faculté symbolique des hommes  ; André Tosel, sans nier les limites de la tradition marxiste sur ces sujets, revisite la perspective proprement communiste d’une libération éthique et politique de la puissance des producteurs. Deux regards subtils, éclairés et éclairants, sur notre temps, ses défis et ses potentialités.
Laurent Etre
Comment expliquez-vous le relatif regain d’intérêt des médias dominants pour Marx, l’actualité éditoriale autour de ce penseur ?
EDGAR MORIN. Avant de parler du renouveau, il faut revenir sur le collapse du marxisme vers 1977. Ce collapse coïncide avec la fin d’une espérance révolutionnaire. Celle-ci, éteinte en Union soviétique, disparaît avec l’affaire Lin Piao et la bande des quatre en Chine. Alors qu’il était jusque-là perçu comme un peuple libérateur, le Vietnam envahit le Cambodge en 1979, pays où Pol Pot a imposé un régime démentiel, au nom même du communisme. Ce ne sont pas des arguments qui viennent alors discréditer le marxisme. C’est plutôt un système d’espérance et de foi qui se désintègre. L’expérience des régimes totalitaires, impensée par Marx et imposée au nom de Marx, accroît le collapse. En même temps, le capitalisme semble plus ou moins contrôlé par le welfare state, des lois sociales. On se dit que, contrairement à ce qu’expliquait Marx, il ne domine pas toute l’évolution des sociétés. L’idée de révolution s’évanouit. Le désenchantement permet de percevoir des carences importantes dans la pensée de Marx sur l’État, le pouvoir… Puis, à partir des années quatre-vingt-dix, l’implosion de l’Union soviétique, la mondialisation du capitalisme jusqu’en Chine, au Vietnam, aggravent la crise du marxisme. Mais dans le même temps, la renaissance d’une problématique marxienne s’amorce. On prend conscience peu à peu que le néolibéralisme, sous l’égide duquel s’effectue la mondialisation, provoque, en même temps qu’un déchaînement du capitalisme, un accroissement d’inégalités et de misère : le capitalisme redevient ennemi de l’humanité. Les effets de la mondialisation ont dégradé le welfare state protecteur… La concurrence mondiale fait que les industries se délocalisent sans que puissent réagir des syndicats considérablement affaiblis. D’un côté, le capitalisme est triomphant, ce qui paraît démentir Marx ; de l’autre, les vices et les maux qu’il apporte confirment les thèses de Marx. En tout cas, avec les années quatre-vingt-dix et deux mille se développe une prise de conscience que le néolibéralisme est lui-même un mythe idéologicosocial. Le problème, aujourd’hui, c’est que si la capacité de dénonciation est devenue de plus en plus forte, la capacité d’énonciation d’une nouvelle politique n’existe pas encore. Quoi qu’il en soit, si l’on revient à Marx actuellement, c’est à la fois comme penseur du capitalisme, comme penseur de la consommation (Marx disait que la production ne crée pas seulement un produit pour le consommateur, mais un consommateur pour le produit) et comme penseur de la mondialisation.
ANDRÉ TOSEL. Je dirais que le modèle soviétique s’est épuisé de lui-même. Il a été encerclé, pris dans la course à l’armement. Mais cela ne peut faire oublier qu’il n’a pas su développer une autocritique capable de relancer un processus démocratique révolutionnaire et de libérer la puissance des producteurs, des masses populaires, dans le meilleur esprit de ce que Marx voulait lui-même. L’épuisement remonte, de mon point de vue, aux années soixante et soixante-dix, quand la rupture sino-soviétique se consomme. Ce qui s’effondre, c’est une expérience historique qui a libéré des espoirs immenses mais qui, finalement, révèle ses limites ainsi que sa violence. Le point le plus douloureux dans cette histoire, c’est que le parti, qui avait été une organisation antiétatique efficace en 1917, s’est lui-même constitué en État autoritaire inédit. Autrement dit, l’organisation qui avait fait la force du léninisme s’est révélée être aussi son point faible. Je pense que nous sommes aujourd’hui à un tournant historique. On retrouve Marx parce qu’il offre des réserves de critiques encore pertinentes face aux problèmes de notre temps, mais qui, bien sûr, ne peuvent suffire. Sur les problèmes des nations, de l’État, de l’idéologie, de la fonction symbolique dans les rapports sociaux, la tradition marxiste a été peu prolixe. À cela s’ajoutent le problème de la fragmentation ethnique, celui des violences inouïes qui se développent à l’intérieur des sociétés. Il faut également élaborer une réponse au défi que représentent toutes ces mutations anthropologiques tendant à transformer les masses populaires en masses consuméristes, désagrégées, en proie à toutes les dérives possibles. Marx ne pouvait pas tout penser, tout anticiper ! Aujourd’hui, l’urgence, c’est de penser le monde de la mondialisation. Et je crois que ce monde est vraiment structuré par un capitalisme rendu à une certaine animalité. C’est en ce sens qu’il me semble utile de revenir au Marx de la critique de l’économie politique, celui qui pensait une autre humanité possible, celui qui n’imputait ni à la science ni à la technologie les apories inscrites dans la soumission des activités humaines par le capital.
Et quid du marxisme ? Peut-on reconnaître à certains marxistes un apport créateur à la théorie de Marx ?
ANDRÉ TOSEL.Il faut dire, pour l’honneur du marxisme, qu’il y a eu des dissidents en son sein, des hérétiques qui n’ont jamais eu le pouvoir. Il y a eu Trotski, mais aussi Gramsci, le penseur de l’hégémonie politique. Il y a eu Henri Lefebvre, marxiste humaniste et « critique de la vie quotidienne », pour reprendre le titre de son ouvrage majeur. Il y a eu Luckacs, penseur de la réification, ce phénomène par lequel les relations sociales entre personnes prennent la forme de relations entre des choses. On peut aussi reconnaître à Althusser le mérite d’avoir posé de bonnes questions, même si on peut discuter son idée d’une « coupure épistémologique » séparant un jeune Marx humaniste et philosophe d’un Marx « de la maturité », qui aurait été un scientifique pur et dur.
EDGAR MORIN. L’oeuvre d’un grand penseur complexe comme Marx se dégrade inévitablement chez les épigones. Chacun ramasse un bout de l’oeuvre et tend à réduire la totalité complexe au bout qu’il a ramassé. C’est ce qui est arrivé au marxisme en général. Certains ont retenu de Marx sa doctrine économique ; d’autres se sont focalisés plutôt sur la prédiction d’une société sans classes à travers la révolution, etc. Quand, au contraire, on essaie de maintenir la complexité de la théorie, ce n’est pas un tout figé qui se dégage, mais un mouvement de pensée qui affronte et tient ensemble les contradictions. Une façon de sortir du marxisme dogmatique par le haut, c’est d’arriver à maintenir ouverte la dialectique, c’està- dire maintenir la tension entre réel et rationnel au lieu de prétendre apporter une synthèse totale et définitive de ces deux pôles. Des processus de régénération de la théorie marxienne ont eu lieu sur cette base. Ainsi, Lucien Goldmann a montré que la fin du capitalisme, l’avènement d’une société sans classes, devait être comprise comme possibilité et non comme nécessité historique. Joseph Gabel, de son côté, s’est tourné vers l’étude de la théorie de Minkowski sur la schizophrénie pour expliciter le concept marxien de réification. Ce sont deux exemples parmi bien d’autres. En qui me concerne, ce que j’appelle la « pensée complexe » est méta-marxienne. Pour moi, Marx est une étoile dans une riche constellation de pensée avec Héraclite, Pascal, Rousseau, Hegel…
Mais pour avancer vers des progrès de civilisation, n’a-t-on pas toujours besoin de l’utopie d’une humanité réconciliée avec elle-même, de la vision d’une « société libre et sans classes » ?
EDGAR MORIN. Je voudrais d’abord dire que, pour moi, il y a une carence anthropologique dans la pensée de Marx. Celui-ci a bien vu l’homo faber, producteur de ses propres outils et de luimême. Mais il n’a pas vu l’homo sapiens demens, l’homme délirant, poète, producteur de mythes. Il n’a pas saisi que la folie humaine est aussi constitutive que la raison. C’est en étudiant les sociétés dites archaïques, leur rapport à la mort, que j’ai pris la mesure du caractère crucial de l’imaginaire. Certes, Marx a compris l’importance de la religion, « le soupir de la créature opprimée ». Mais pas celle du mythe en général. Maintenant, pour répondre à votre question, je dirais qu’il y a deux types d’utopies : celle de la société harmonieuse, totalement réconciliée et parfaite qui, à mon avis, conduit toujours au pire ; et la bonne utopie, qui consiste à penser que ce qui paraît actuellement impossible est en fait véritablement possible. Par exemple, quand on y réfléchit, parvenir à une planète sans guerres, c’est possible, de même que dans les royautés on supprimait les guerres entre féodaux. Traiter le problème de la faim, c’est également possible.
Une société monde d’un type nouveau est possible. J’ai coutume de dire : le renoncement au meilleur des mondes n’est pas renoncement à un monde meilleur. Certes, rien n’a commencé vers le salut. Mais la planète, aujourd’hui, grouille d’initiatives à la base. Il se crée partout des coopératives, des associations de chômeurs, etc. J’ai vu, au Brésil, les efforts déployés pour régénérer certains quartiers qui semblaient condamnés à la délinquance et à la misère. L’enjeu, c’est de faire se connaître et se rencontrer ces différentes initiatives locales. C’est alors que l’on pourra élaborer les voies nouvelles. Je préfère parler de métamorphose plutôt que de révolution. Le passage de la préhistoire à l’histoire, ce fut une métamorphose. Ce sont de petites sociétés sociétés de cueilleurs et de chasseurs, sans État, sans agriculture, sans ville, qui, par des phénomènes d’agglomération et de domination de l’une sur les autres, constituent les sociétés qui sont les nôtres, des sociétés avec État, villes, religions, armées, conquêtes, philosophie, art, etc. Je pense qu’au terme d’une nouvelle voie il y a possibilité d’une métamorphose. Ce mot est important à mes yeux, parce qu’il a la radicalité du changement impliqué dans le terme de révolution mais sans le « du passé faisons table rase ». Il s’agit de réconcilier l’idée de réforme et celle de révolution en suggérant que c’est par des voies réformatrices multiples et solidaires que l’on pourra changer de voie et aller vers une métamorphose.
ANDRÉ TOSEL. Ce débat n’est pas nouveau, il traverse toute l’histoire du mouvement ouvrier. Jaurès avait forgé le concept « d’évolution révolutionnaire ». Il voulait expérimenter les coopératives sur la base de l’acquis démocratique de la France, de l’inventivité du prolétariat français, faire de la république une république sociale. Marx et Engels ont toujours pris la mesure des conjonctures historiques. Engels avait envisagé une voie pacifique et graduelle au socialisme. Dans la préface de 1895 à la réédition des Luttes de classes en France (1850), la république démocratique est une voie comme une autre. La difficulté, dans le contexte de la mondialisation néolibérale, c’est de tenir les deux bouts : radicalité critique et analyse de la situation concrète, sans idéaliser la puissance d’une contreviolence révolutionnaire qui peut se révéler contreproductive, sans se faire non plus des illusions sur la bonne volonté des castes dirigeantes. Certes, il existe bien ces microchangements, ces efforts d’expérimentations que vous évoquiez. Pour ma part, je crois aussi qu’on insistera jamais assez sur la nécessité absolue aujourd’hui, alors que tout modèle de transformation a disparu, d’expérimenter et de traduire ces expérimentations les unes dans les autres. Ceci dit, il demeure une vraie difficulté : comment passer de résistances, de luttes au niveau local, à des convergences investissant le niveau global ? On voit bien la sinistre farce que constitue la « gouvernance mondiale », manipulée par les multinationales, elles-mêmes liées aux États les plus puissants capables de se projeter sur le plan géopolitique. Face à cela, nous n’avons pas réussi à constituer une action internationale ou transnationale. Cela se nommait jadis l’internationalisme. Tout reste à faire.
EDGAR MORIN. Je fais un pari sur la créativité de la vie et la créativité humaine. Comme Spinoza, je pense que c’est la nature elle-même qui possède la force créatrice. La créativité humaine est endormie dans les sociétés figées, chez les esprits domestiqués, mais elle peut se réveiller, notamment dans les crises. Les crises, comme celle que nous vivons aujourd’hui, réveillent les capacités créatrices et, malheureusement aussi, destructrices. Je pense que nous pouvons voir dans chaque domaine de l’existence ce que l’on doit changer. Il faut partir de là, et non d’un projet ou d’un programme. Tout est à transformer. Prenons la médecine, qui a fait des progrès considérables. On voit bien aujourd’hui, aussi, ses carences énormes : ce sont les organes qui intéressent, et non l’individu ; ou alors c’est l’individu, mais sans considération de son milieu. Ce faisant, les hôpitaux deviennent des lieux de déshumanisation. Il faut donc réformer la médecine, donner une autre culture aux médecins. Je dirais aussi qu’il faut réformer la consommation, car on vit une époque d’intoxication consommationniste sous l’effet de la publicité. Il faut réformer l’alimentation, l’agriculture, faire reculer la grande exploitation tournée vers le toujours-plus et l’exportation au profit d’une agriculture à taille humaine, tournée vers la satisfaction des besoins des populations locales. L’idée de voie me paraît en elle-même révolutionnante. Les plus grands changements ont toujours été modestes au début.
Mais emprunter la voie d’une société d’émancipation, cela ne signifi e-t-il pas nécessairement s’employer activement et consciemment à sortir du capitalisme ? Peut-on avancer vers l’émancipation sans partir du projet d’une société postcapitaliste, à partir duquel déduire un certain nombre de principes pour s’orienter dans le présent ?
EDGAR MORIN. Ce que je crois, , c’est qu’il y a certains phénomènes d’émancipation à l’intérieur d’un monde où le capitalisme existe. L’abolition de l’esclavage fut un tel phénomène, même si ses conséquences ont été beaucoup plus limitées que ce qu’on aurait espéré. Je pense que la voie pour dépasser le capitalisme, c’est l’économie plurielle. Et là, un certain nombre de réflexions ont été formulées. L’économie plurielle, cela signifie développer de plus en plus les coopératives, les mutuelles, les petites et moyennes exploitations agricoles, l’artisanat. On vit sous l’empire de la production d’objets jetables, le stylo, le rasoir, l’ordinateur… Mais le retour à des objets réparables fera renaître des corporations de réparateurs, de recycleurs, etc. Il faut mondialiser toutes les expériences qui contribuent à rendre l’espèce humaine davantage intersolidaire, et aussi savoir démondialiser : revenir à l’alimentation de proximité, à l’agriculture fermière et biologique, aux cultures locales. Faire reculer la zone du capitalisme passe par là. Il faut lier une mondialisation d’intersolidarité et de communauté de destin à une relocalisation de la participation, de la convivialité.
ANDRÉ TOSEL. J’aimerais partager totalement votre optimisme. « Optimisme de la volonté, pessimisme de l’intelligence », disait Gramsci. Mais le capitalisme lui-même est lourd de périls extrêmement graves. Marx parle de la soumission réelle du travail par le capital, c’est-à-dire la désappropriation de tous ceux qui travaillent ou sont exclus du travail de tout contrôle sur leur production et leur existence. Cette machinerie économique et politique n’a jamais été aussi puissante, conserve le pouvoir de transformer ses crises en occasions de profit et de pouvoir, en reculant à l’infini les limites de l’accumulation des richesses et leur inégalisation, en manipulant la consommation, en détruisant les solidarités, en multipliant par les médias la faillite de l’esprit critique. Il est impossible d’attendre la grande crise finale. On l’a encore vu avec la crise financière où, finalement, les banques sont parvenues à bancariser l’État bien plus que les États ont nationalisé les banques. Il faut préparer le moment où, à partir des expériences locales que vous évoquez, il deviendra possible de briser cette chaîne de la soumission structurelle. Mais il faut bien comprendre que nous ne pouvons plus suivre les schémas classiques. Il y a urgence, cosmologique, éthique, sociale et politique, à rendre impossible les possibles trop réels du capital. Marx est un homme des Lumières. Il veut que le positif l’emporte sur le négatif, qui est supposé le contenir en puissance. Mais, aujourd’hui, peut-on vraiment dire qu’il y a une sorte de balance entre éléments positifs et éléments négatifs de la mondialisation ? Je crois que c’est la résistance aux éléments négatifs qui fera véritablement apparaître le positif.
EDGAR MORIN. Je ne suis pas dans l’euphorie. Pour moi, le probable, c’est plutôt la catastrophe, et pas seulement écologique. Ce que j’ai voulu dire en parlant d’un côté positif de la mondialisation, c’est que, pour la première fois, l’humanité a une communauté de destin. Mais je ne nie pas que le capitalisme soit actuellement plus que jamais déchaîné vers le profit illimité, et cela dans un contexte où montent les haines ethno-religieuses, ou nationalo-religieuses, avec des embryons de guerre de civilisation entre le monde occidental et un islam sur lequel on reporte toutes les malédictions. Par ailleurs, le développement scientifique produit des éléments de destruction et d’asservissement de plus en plus importants, en tout cas plus importants que les bienfaits qu’apportent les sciences. De même la technique nous asservit, bien plus qu’elle n’asservit la matière inanimée. Là où je suis optimiste, c’est que je mise sur l’improbable, sur la possibilité que la catastrophe soit évitée. Je réveille alors l’espérance qui était morte.
ANDRÉ TOSEL. D’accord pour espérer dans l’espérance, pour parier sur elle. Mais cette espérance est soumise à deux conditions : d’abord, je ne suis pas sûr qu’il faille reprendre à notre compte la critique de la science et de la technologie venue d’Heidegger et reprise par les théoriciens de l’école de Francfort. Heidegger évite par cette critique de se confronter directement et nommément au capitalisme, alors qu’il en voit le nihilisme déployé. Science et technologie sont actuellement incorporées dans le capital. La lutte émancipatrice passe par leur désincorporation et leur appropriation par les forces que Gramsci nommait les masses subalternes. La seconde condition est celle du devenir actif de ces masses. Et surtout de ceux qui aujourd’hui sont écrasés, vivent dans le dégoût de la vie et la haine de ces « autres » qui ne sont pourtant pas leurs ennemis. Cela pose notamment, encore une fois, la question de l’organisation politique. Ne perdons pas de vue, enfin, que derrière la mondialisation, il y a des classes dirigeantes, des castes nouvelles : elles vivent dans leur ghetto doré, n’ont plus le sens de la responsabilité des conséquences de leurs actes. Elles sont incapables de penser dans le long terme. Cette impuissance à penser long contamine toute la société. Pour les uns, il s’agit d’accumuler toujours plus dans l’immédiat en détruisant ou absorbant les concurrents. Pour les autres, il s’agit de subsister au jour le jour. Le rapport à la durée se contracte dans l’instant comme s’atrophie la perspective d’un futur faisable. Le devenir actif ne peut se faire valoir qu’en demandant des comptes à ces castes qui font de notre monde superficiellement unifié un non-monde inhabitable et qui nous prive de la dimension du temps à venir, du temps qu’il fera demain. Je pense qu’il y a une sorte de destruction de la conception et de la perception du temps. Tout est mesuré à la rapidité des profits, des retours sur investissement. Si on veut un devenir actif, il faudra bien que l’on puisse faire valoir à ces élites qu’elles sont responsables de détruire le sens du temps.
EDGAR MORIN. Ce ne sont pas seulement les élites économiques qui sont en cause ; ce sont également les élites politiques, qui se sont déculturées. En tout cas, je pense qu’il faut régénérer la politique en régénérant une pensée de la société, de l’homme, de l’histoire. Le problème fondamental, c’est de refonder la pensée politique de gauche, d’éveiller les consciences et de susciter de nouveaux modes d’action. Un retour à ce qu’il y a de plus fécond chez Marx ne peut que contribuer à la régénération politique.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LAURENT ETRE
BIBLIOGRAPHIE (NON EXHAUSTIVE) :
Edgar Morin est notamment l’auteur de Pour une politique de civilisation (éditions Arléa, 2002), Terre-patrie (Seuil, 1996), Introduction à une politique de l’homme (Seuil, 1999). Son oeuvre majeure, la Méthode, est composée de 6 volumes parus au Seuil de 1981 à 2004. Vient de paraître également, aux éditions Temps Présent, Pour et contre Marx, 128 pages, 14 euros.
André Tosel a publié récemment le Marxisme du XXe siècle, aux Éditions Syllepse, 302 pages, 24 euros ; ainsi que Spinoza ou l’autre (in)fi nitude, aux Éditions L’Harmattan, 282 pages, 26 euros

On Proximity Talks

By Dr. Mahdi Abdul Hadi
Jerusalem, 25th May 2010

The proximity talks that entered its first round last week between the United States, the Palestinians and Israel respectively, are heavily influenced by the internal and external political dynamics of each of the direct stakeholders of the conflict: Palestinians and Israelis on the one hand and the Unites States, the European Union and the Arab States on the other.

The current policy of the United States can be viewed in three layers: first, there is the imperishable American (and European) concern to maintain the official recognition and the security of Israel as a state in the Middle East. From a US perspective, this official legitimate and recognized keeps the peace process alive. The second layer is to maintain and secure Fateh, the secular movement headed by President Mahmoud Abbas (Abu Mazen) as the official accepted Palestinian partner to negotiate and sign possuble agreements on behalf of the Palestinian people. The last, but not least, layer on the Washington agenda is the desire to “shake” Israeli Prime Minister Netanyahu’s right-wing coalition government according to the motto “If we cannot change Israel we can change Netanyahu”. This does not come as a surprise, especially in the absence of President Obama’s strategy for a permanent solution. Hence, at this stage the US is left only with tactics to face the vanity and arrogance of Netanyahu, especially given his surreal delusion of power which has been fed by the support of the Jewish lobby in the United States, the rising number of Jewish Orthodox Generals in the Israeli military establishment, the half million settlers on the West Bank, and the weakness of the opposition in the Knesset (with regard to both, the Kadima as well as the Labor Party).

However, in order not to jeopardize US strategic interests in the Middle East in terms of oil and fighting Al-Qaida and Taliban “terrorism,” the US must have an active role to prevent the Islamists and fundamentalists from capitalizing on the unsolved Palestine Question. Therefore, American Generals serving in the region suggest that the US must intervene through public diplomacy with Syria, Lebanon, and Iran, and in these proximity talks, to strike a balance between the pressure of the Jewish lobby and Netanyahu’s obsession of attacking Iran on the one side and the stability of the Arab regimes and the human element of the suffering of the Palestinian people on the ground on the other.

The second main stakeholder is the PLO/PA, headed by Mahmoud Abbas. It is in favor of these proximity talks, hoping for the small “carrots” to be gained out of them, first and foremost among them the anticipated benefit of “isolating” the rival Hamas. Secondly, the talks would help maintain the legitimacy and recognition of the authority of Mahmoud Abbas as long as the Palestinians are divided geographically and ideologically. Thirdly, they would keep the window of hope among the public for the two-state solution within the borders of 1967, and lastly, would maintain the European donors’ support of Prime Minister Salam Fayyad’s agenda aimed at institution-building and filling the political and economic vacuum in the in the West Bank.

The position of the third main stakeholder in these proximity talks - Israel – is complex and difficult to deal with since Prime Minister Netanyahu obviously challenges a battle with Washington by constantly putting his “nos” as preconditions on the table:

a. No to freeze construction in “united Jerusalem;”
b. No to halt settlement expansion in the West Bank;
c. No to withdraw to the 1967 borders, especially from the Jordan Valley;
d. No to lift the siege on Gaza Strip (thus transferring it into an Egyptian problem).

However, US special envoy George Mitchell keeps knocking on the door of Netanyahu as a means of political presence and pressure which will without a doubt have an impact on the general Israeli public opinion and the moderate part of the Israeli political arena.

The first round of talks witnessed the reintroduction of ideas for the transitional phase such as land swap, deployment of NATO forces to separate Palestinians and Israelis on the West Bank, as well as suggestions to bring Arab troops headed by Egyptians to Gaza to overlook Palestinian security reforms and reconciliation between Fateh and Hamas.

All the above pose the question of where these talks are heading? The Palestinian side asserts that the first round is to clarify the two parties’ positions on two issues: (1) the borders of 1967 and (2) security “on the day after.”

On the border issue there is agreement among the US, the EU, Arab states and the Palestinians (both Fateh and Hamas) that the ultimate formula for a settlement is the two-state solution based on the pre-war borders of 1967, i.e., the 1949 armistice lines. Meanwhile, the Netanyahu government, propagates recognition of Israel as Jewish state with Jerusalem as its capital and a border based on the separation wall, which would exclude the Jordan Valley (26% of the West Bank) as well as the half million settlers from a future Palestinian entity.

On the security issue, both the US and EU have been busy investing in educating, training and reconstituting the Palestinian (West Bank) security apparatus. Yet, it remains to be seen whether and how their funds are to be expanded to advance security reforms and reconciliation in the Gaza Strip as well. Other related and not less important issues are ending Israel’s military occupation and dismantling the settlements.

It is becoming increasingly obvious that Netanyahu – insisting on the acceptance of natural growth in the settlements and the closing of the Jerusalem file (as there is nothing to be agreed upon) - is inviting the Palestinians merely for, as he puts it, an “economic peace”.

Referring to Israel’s continued settlement activities, especially in Jerusalem, and the army’s continuous atrocities (killing and arresting people and demolishing houses), President Abbas has warned George Mitchell from the outset that if things will go on as they are the talks will end before they even started. In turn, Netanyahu, demonstrating once again his talent for being a maestro of tactics and political survival, told Mitchell that he did not promise the US anything nor gave any assurances or guarantees, stressing that this would be his position as long as there are no direct negotiations.

In other words: while Palestinian expectations for concrete changes on the ground will most likely not be met, there is a further demonstration of US public diplomacy and of its political and military presence in the region to keep the protagonists active. The proximity talks are hence held hostage to the political dynamics in the region, i.e., the war of words between Damascus and Tel Aviv; the military maneuvers in Israel and in Iran; the attempts by the French and German foreign ministers to stop Syria’s support of Hizbullah; and finally the shuttle diplomacy of Egyptian head of Intelligence Omar Sulaiman to Tel Aviv in a bid to distinguish the fire before it erupts (most recently with regard to the Turkish solidarity ships heading for Gaza in an attempt to lift the three year siege on the Palestinian people).

Thus, the current state of affairs in Palestine and the region could be summarized as crisis containment management (rather than conflict resolution); however, the reading between the lines suggests that this is only a delay of the inevitable.

Back to Marx: How Can His Work Help Us to Understand Modern Times?

by: Laurent Etre | Humanite in English
The world economic crisis has ended the taboo on referring to Marx. More and more works are being published on the author of Das Kapital, and the press is publishing special sections on him.
A discussion with Edgar Morin, the philosopher and sociologist, emeritus research director at the CNRS who holds honorary doctorates from many universities around the world and with André Tosel, the philosopher and specialist in Karl Marx and Marxism, professor at the University of Nice.
Although all of the many publications dedicated to Marx lately are not of the same quality, one can nevertheless only be surprised by this sudden increase in interest in him. When such magazines as le Nouvel Observateur and le Point, each according to its political orientation, look into Marx, it is at the very least indicative of certain splits in the mainstream media, whose ideological horizon remains limited to that of capitalist society.
"It may very well be that what we are witnessing is not simply the end of the Cold War or a particular post-war phase, but the end of history as such: (...) the universal adoption of Western liberal democracy as the definitive form of human government," Francis Fukuyama, the American leader of this school of thought, wrote in 1989, the year when the Berlin Wall fell. Almost twenty years on, in October 2008, New Yorkers were demonstrating in front of the Wall Street Stock Exchange and waving signs saying "Marx was right!"
Is his "return" the automatic result of the fall of the idols of neo-liberalism? To remain at this level of thought would be to see in Marx only another conception of the finality of history, "a free and classless society," a simple alternative to Fukuyama's conceptions, which has at long last been recognized as faulty. However, that postulate of the finality of history was used a great deal to legitimize authoritarian power in the days of "really existing socialism."
The two philosophers whom we have invited to a discussion on the pertinence of Marxist thought, Edgar Morin and André Tosel, both, each in his own way, reject any kind of historical determinism. Marx himself, in the 18 Brumaire of Louis-Napoléon Bonaparte, explained that "Men make their own history, but they do not make it as they please; they do not make it under self-selected circumstances, but under circumstances existing already, given and transmitted from the past." So, the whole problem is to clarify the true bases of those circumstances...
Edgar Morin insists on the role of imagination and human capacity to think symbolically, whereas André Tosel, without denying the limits of the Marxist tradition on these subjects, returns to a strictly communist perspective of the political and ethical liberation of the power of the creators of all wealth. The following discussion reveals two subtle, enlightened and enlightening points of view on our time, its challenges and its opportunities
How do you explain the relative increase in Marx on the part of the mainstream media, and the fact that this thinker is in the media spotlight once more?
Edgar Morin: Before speaking of a renewal, it is necessary to say a few words about the collapse of Marxism around 1977. This collapse coincided with the end of a revolutionary hope. That hope, which had already been extinguished in the Soviet Union, died with the Lin Biao affair and the gang of four in China. Whereas until then the Vietnamese had been seen as a people of liberation, in 1979 Vietnam invaded Cambodia, where Pol Pot had installed a demented regime in the very name of communism.
In that period, Marxism itself was not discredited by any new arguments. Instead, a system of faith and hope disintegrated. The experience of the totalitarian regimes, which Marx had not foreseen and which were imposed in his name, worsened the collapse.
At the time, capitalism seemed to be more or less under the control of the welfare state and social laws. People told themselves that, contrary to what Marx had explained, capitalism did not completely dominate social evolution. The idea of revolution faded away. The disenchantment made it possible to see the big holes in Marx's thought on the state and power... Then, beginning in the 1990s, the implosion of the Soviet Union and the globalization of capitalism even into China and Vietnam aggravated the crisis of Marxism.
Then, however, a renaissance of the Marxian analysis began. Little by little, people became aware that neo-liberalism, which provided a theoretical basis for globalization, was causing an increase in inequality and poverty at the same time that it gave free rein to capitalism – capitalism became the enemy of humanity, once again.
The effect of globalization has been to degrade the protective welfare state... World competition resulted in industries off-shoring, while the much-weakened trade unions were unable to react.
On the one hand, capitalism was triumphant, and this seemed to give the lie to Marx. On the other hand, the vices and evils that came in its train confirmed Marx's theses.
In any case, with the 1990s and the 2000s, people became aware that neo-liberalism is itself an ideological-sociological myth. The problem today is that while the capacity to condemn this state of affairs is becoming stronger and stronger, the capacity to outline a new policy does not yet exist.
Be that as it may, if today people are returning to Marx, it is at one and the same time for his analysis of capitalism, for his analysis of consumption (Marx said that production not only creates a product for the consumer, but also a consumer for the product) and for his analysis of globalization.
André Tosel: I would say that the Soviet model wore itself out. It was surrounded and caught up in the arms race. But that does not allow us to forget that it was unable to develop a self-criticism capable of re-launching a revolutionary democratic process and of liberating the power of the producers, the popular masses, in the best spirit of what Marx himself wanted. The wearing-out of the Soviet model began, in my opinion, in the 1960s and 1970s, when the Sino-Soviet split became definitive. What collapsed was a historic experience which had liberated immense hopes but which, in the final analysis, demonstrated both its limits and its violence.
The most painful point in this whole history is that it was the Party, which had been an effective anti-state organization in 1917, transformed into a hitherto-unseen authoritarian state. In other words, the organization which had been the source of the strength of Leninism also revealed itself to be Leninism's Achilles heel.
I think that, today, we've come to a turning point in history. People are re-discovering Marx because he provides reserves of critical thought that are still pertinent to the problems of our times, but, of course, that is not enough. The Marxist tradition has not said much on the problems of nations, of the State, of ideology, of the function of symbols in social relations. To that has to be added the problem of ethnic fragmentation – the problem of the unheard-of violence that develops within societies. And it is also necessary to develop a response to the challenge constituted by all these anthropological transformations, which tend to turn the popular masses into disconnected consumerist masses, subject to victimization by every demagogy imaginable. Marx could not think of everything or foresee everything!
What is urgent today is to conceptualize the world of globalization. And I think that the world is truly structured by a capitalism that has arrived at a certain animality. In this sense, I think that it is useful to return to the Marx of the critique of political economy, the Marx who thought a different kind of mankind was possible, the Marx who attributed neither to science nor to technology aporias (philosophical puzzles) that result from the subordination of human activities to capital.
And what about Marxism? Can some Marxists be recognized as having creatively contributed to Marx's theory?
André Tosel: It must be said, to the honor of Marxism, that there have been dissidents in Marxism, heretics, who have never been in power. There was not only Trotsky (1879-1940), but also Gramsci (1891-1937), who conceptualized political hegemony. There was Henri Lefebvre (1901-1991), the humanist Marxist who did a "critique of daily life," to cite the title of his main work. There was Lukacs (1885-1971), who conceptualized reification, the phenomenon by which social relations among people take the shape of relations among things. Althusser (1918-1990) can also be recognized as having the merit of having posed good questions, even though his idea of an "epistemological break" between a young, humanist and philosophical Marx and a "mature" Marx, supposedly a pure and thorough-going scientist, is debatable.
Edgar Morin: The work of a great and complex thinker like Marx inevitably deteriorates among his epigones (disciples). Each picks up on a piece of the work, and tends to reduce the work's complex totality to the piece that he picked up on. That's what has happened to Marxism, in general. Some have kept Marx's economic doctrine; others have concentrated instead on the prediction of a classless society born of revolution, etc. When, on the other hand, you try to maintain the complexity of the theory, what you find is not a congealed whole, but a movement of thought that confronts and holds together contradictions. One way of escaping dogmatic Marxism from above is to manage to keep the dialectic open, that is to say, to maintain the tension between real and rational, instead of pretending to arrive at a total and definitive synthesis of these two poles. It was on this basis that processes of regeneration of Marxian theory have occurred. Thus, Lucien Goldmann (1913-1970) showed that the end of capitalism and the advent of a classless society have to be understood as a possibility and not as a historic necessity. For his part, Joseph Gabel (1912-2004) turned to Eugène Minkowski's theory of schizophrenia to clarify the Marxian concept of reification. These are two examples among many others. For my part, what I call "complex thought" is meta-Marxian. In my opinion, Marx is a star in a rich constellation of thought, together with Heraclitus, Pascal, Rousseau, Hegel...
But in order to progress towards advances in civilization, isn't there still a need for the utopia of mankind reconciled with itself, and the vision of a "free and classless society?"
Edgar Morin: First off, I'd like to say that, in my opinion, there is an anthropological shortcoming in Marx's thought. Marx had a clear view of homo faber, the maker of his own tools and of himself. But he did not see homo sapiens demens, Man with his wild dreams, the poet, the myth-maker. He did not realize that human folly is as much a part of Man as reason. It was when I studied so-called archaic societies and their relationship to death that I was able to appreciate the crucial character of human imagination and fantasy. Of course, Marx understood the importance of religion, "the sigh of the oppressed creature" [1]. But he did not understand the importance of myths in general.
Now, to answer your question, I would say that there are two kinds of utopias – the utopia of a harmonious society that is perfect and totally reconciled, and which, in my opinion, always leads to the worst possible society. And then there is the right utopia, which consists in thinking that what appears to be impossible at present is, in reality, truly possible. For example, when you think about it, realizing a planet without wars is possible, just as the [absolute] monarchies ended wars among feudal lords. Dealing with the problem of hunger is also possible.
A world society of a new type is possible. I am in the habit of saying: abandoning the best of all worlds does not mean abandoning a better world. Of course, no step has been taken towards salvation. But today the planet is swarming with rank and file initiatives. Everywhere, cooperatives and associations of unemployed people, etc., are being created. In Brazil, I saw the efforts being made to regenerate certain neighborhoods that seemed to be condemned to poverty and delinquency. The key is to get the different local initiatives to know one another and to meet together. Then it will be possible to map out new paths.
I prefer to speak of metamorphosis rather than revolution. The shift from pre-historic to historic times was a metamorphosis. It was little societies of hunters and gathers, who had no State, no agriculture, no towns, which constituted, through phenomena of agglomeration and of domination, the one over the other, the societies that are our societies, societies with a State, towns, religions, armies, conquests, philosophy, art, etc.
I think that, in terms of a new path, there is the possibility of a metamorphosis. The term is important in my view because it includes the radical change implicit in the term "revolution", but without "The earth shall rise on new foundations" and the idea of eliminating the heritage ("making a clean slate") of the past. It is a question of reconciling the idea of reform and the idea of revolution by suggesting that it is through multiple reformist paths of solidarity that we will be able to change course and move towards a metamorphosis.
André Tosel: This is not a new debate. It runs through the whole history of the labor movement. Jean Jaurès (1859-1914) forged the concept of "revolutionary evolution." He wanted to try cooperatives on the basis of the inventiveness of the French proletariat and the democratic rights that had been won in France in order to turn the republic into a social republic. Marx and Engels always took historic situations into account. Engels had envisaged a peaceful and gradual path to socialism. In his 1895 preface to the republication of Marx's The Class Struggles in France (1850), a democratic republic is seen as one path among others.
The problem, in the context of neo-con globalization, is to hang onto both ends: critical radicalism and analysis of the concrete situation, without idealizing the power of revolutionary counter-violence which may prove to be counter-productive; and without deluding oneself as to the good will of the ruling castes, either. Of course, these micro-changes, these efforts at trying out new things, which you mention, do exist. For my part, I also believe that today, when all of the models of transformation of society have vanished away, one cannot insist enough on the absolute necessity of trying things out and of transferring the experiments of one group to another. Having said that, a real problem remains: How does one shift from local resistance and struggle to a coming-together on a world scale? One can clearly see the sinister farce that is "world governance," which is manipulated by the multinational corporations, which are themselves linked to the most powerful states capable of projecting themselves at the geo-political level. In the face of that, we have not succeeded in establishing trans-national or international action. In the old days, that was called internationalism. We are starting from scratch.
Edgar Morin: I am betting on the creativity of life and human creativity. Like Spinoza, I believe that Nature herself possesses creative power. Human creativity has gone into hibernation in frozen societies, among tamed minds, but it can be awakened, and notably in times of crisis. Crises, like the one that we are experiencing today, awaken creative capacities, but unfortunately also destructive capacities. I believe that, in each domain of existence, we can see what needs to be changed. You have to start from there, and not from a project or a program. Everything needs to be transformed.
Take medicine, for example, where considerable progress has been made. Today, it is easy to see its gaping inadequacies: the interest is in organs, and not in the patient; or else it is in the patient, but without taking his social environment into consideration. As a result of this, the hospitals are becoming places of de-humanization. It is consequently necessary to reform medicine, and to provide doctors with a different culture. I would also say that it is necessary to reform consumption, because we are living in an age of consumerist intoxication spurred on by advertising. It is necessary to reform foodstuffs and agriculture, and to diminish large-scale agriculture oriented towards more-and-more and towards the export markets, and to increase agriculture on a human scale, turned towards satisfying the needs of local populations. The idea of a path seems to me to be revolutionizing in itself. The greatest changes have always had modest beginnings.
But doesn't taking the path towards a society of emancipation necessarily mean acting consciously and actively to exit capitalism? Is it possible to advance towards emancipation without having as one's goal a post-capitalist society, which implies deducing a certain number of direction-giving principles for the here-and-now?
Edgar Morin: What I believe is that there are certain emancipatory phenomena within a world in which capitalism exists. The abolition of slavery was one such phenomenon, even though its consequences were much more limited than might have been hoped.
I think that the path to go beyond capitalism is a pluralist economy. And a certain number of reflections have been formulated on this point. A pluralist economy means developing the cooperatives, the mutual aid societies, the small and medium-sized farms, and the crafts. We are living under the dominion of the production of throw-away goods – pens, razors, computers... But a return to repairable goods will result in the rebirth of the crafts of repairmen, of recyclers, etc.
We have to globalize all the experiences that contribute to promoting more inter-solidarity in the human race, and we also have to learn to de-globalize: to return to raising food locally, to organic and farm-based agriculture, to local crops. That is the way to push back the zone of capitalism. We have to link a globalization of inter-solidarity and a globalization rooted in communities that share a common fate with a renewal of participation and friendliness in the community.
André Tosel: I wish I could share your optimism completely. "Pessimism of the intelligence, optimism of the will," said Gramsci [2].
But capitalism itself is weighed down by extremely serious dangers. Marx speaks of the real subordination of labor to capital [3], that is to say, the dispropriation of all those who work or are excluded from labor, from any control of their production or their existence. This political and economic machinery has never been so powerful, and it still has the power to transform its crises into opportunities for profit and power, through the unlimited expansion of the limits to the accumulation of wealth and inequalities in the possession of wealth, by manipulating consumption, by destroying any kind of solidarity, by increasing, through the media, the bankruptcy of critical thought.
We cannot wait until the great, final crisis. This has been seen once again with the financial crisis, where, in the end, the banks have managed to bankify the State to a greater degree than the State in the different countries has been able to nationalize the banks.
We have to prepare for the day when, on the basis of the local experiences that you talk about, it will become possible to break this chain of structural subordination. But it is necessary to get it into one's head that we can no longer follow the classic schemes. There is a political, social, ethical and cosmological urgency to making capital's all-too-real possibilities impossible.
Marx was a man of the Enlightenment. He wants the positive to overpower the negative, which is supposed to contain it in power. But today, can one truly say that there is a sort of balance between the positive and negative elements of globalization? I believe that it is resistance to the negative elements which will truly reveal the positive.
Edgar Morin: I'm not in a state of euphoria. To my mind, what is probable is rather a catastrophe, and not just an ecological one. What I wanted to say in speaking of a positive side to globalization is that, for the first time, humanity shares a common fate.
But I do not deny that at present capitalism is more than ever unleashed towards realizing unlimited profits, and this in a context in which ethno-religious hatred and national-religious hatreds are growing, with the embryos of a war of civilizations between the Western world and Islam, against which all curses are aimed. Moreover, scientific development is producing greater and greater means of destruction and subjugation, in any case, greater than the good that science is producing. Similarly, technology is subjugating us to a much greater degree than it subjugates inanimate matter.
The point on which I am optimistic is that I am betting on the improbable, on the possibility that the catastrophe can be avoided. Thus I am awakening the hope that was dead.
André Tosel: I agree with hoping in hope, in betting on it. But this hope is subject to two conditions:
First, I am not sure that we should adopt the critique of science and technology that comes from Martin Heidegger (1889-1976) and which was taken up by the theoreticians of the Frankfurt school. Through this critique, Heidegger avoided taking on capitalism directly and by name, whereas he sees the nihilism that develops from it. Science and technology are presently incorporated in capital. The emancipatory struggle involves their dis-incorporation and their appropriation by what Gramsci called the subordinate masses (in Spontaneity and Conscious Leadership, in the Prison Notebooks).
The second condition is that of the active becoming of these masses. [Active becoming is a philosophical concept of Spinoza's.] And above all, of those who, today, are crushed and live with a disgust for life and a hatred of those "others" who, nonetheless, are not their enemies. This notably raises, yet again, the question of political organization.
Let's not lose sight of the fact that behind globalization there are ruling classes and new castes: They live in their gilded ghetto and they no longer feel any responsibility for the consequences of their acts. They are incapable of thinking in the long term. This impotence in terms of long-term thought contaminates all of society. For one group, it is a question of continually accumulating more and more in the short term by destroying or absorbing their rivals. For the other group, it is a question of subsisting from day to day. The relationship to the long haul shrinks into an instant as the perspective of a realizable future becomes atrophied.
The only way that active becoming can make itself heard is by demanding an accounting from these castes that are turning our superficially united world into an uninhabitable non-world and that are depriving us of the dimension of the times to come, the times of which tomorrow will be made. I think that there is a sort of destruction of the conception and the perception of time. Everything is measured according to the speed of profit-making, of return on investment. If we want to have an active becoming, we're really going to have to make these elites understand that they are responsible for the destruction of the sense of time.
Edgar Morin: It isn't just the economic elites who are in question; it is also the political elites, who have become de-cultured. In any case, I think that it is necessary to regenerate politics by regenerating our concepts of society, of Man, of History. The fundamental problem is refounding the political thought of the left, awakening consciences and sparking off new modes of action. A return to what was most fertile in Marx can only contribute to political regeneration.
NON-EXHAUSTIVE BIBLIOGRAPHY
Edgar Morin is notably the author of Pour une politique de civilisation (published by Arléa, 2002), Terre-patrie (published by Seuil, 1996), Introduction à une politique de l'homme (published by Seuil, 1999). His major work, la Méthode, is composed of six volumes which were published by Seuil from 1981 to 2004. His Pour et contre Marx, has just been published by Temps Présent (128 pages, 14 euros). André Tosel recently published le Marxisme du XXe siècle, published by Éditions Syllepse, 302 pages, 24 euros ; and Spinoza ou l'autre (in)finitude, published by Éditions L'Harmattan, 282 pages, 26 euros
[1] quote from Critique of Hegel's Philosophy of Right
[2] in the Prison Notebooks
[3] in the unpublished version of chapter 6 of Capital. It is available in French but not in English or German